En tout cas je me suis bien amusé à l'écrire.
Une patera de trop- Spirou! 2e épisode.
- Oui, Spirou, faut-il encore avoir quelques infos, et là, hormis la ville et John Héléna, c'est bien faible.
- Ca suffit pour aller là-bas et questionner les indigènes, répondit sans hésitation Spirou.
On prend le premier bus pour Almeira, et ensuite un ferry pour arriver à Mellila.
Rien de plus facile. On peut y être dans 24 heures.
Tiens, je m'occupe des réservations, termine les valises.
"Et bien moi, je reste ici; Spip en a assez de suivre les deux dingues, épris d'aventure et de dangers. Et qui doit réparer les dégâts ensuite? apporter sa contribution pour la gloire des deux aventuriers? C'est bibi! Non, non, et non! Je n'accompagne plus les deux fous, à moins d'un paquet de noisettes en plus par jour. "
Spip semble bien nerveux et sort une petite pancarte syndicale réclamant plus de noisettes.
Pendant ce temps, Fantasio s'évertue à fermer une valise tandis que Spirou téléphone avec son portable.
- On y va, les valises sont prêtes, le premier bus est dans trois heures. Notre bateau accostera demain matin. Tu viens spip? on est parti, lance Spirou à son fidèle rongeur.
"Nan, je veux pas! " (spirou le prend dans ses bras).
- On va dans un pays qui devrait te plaire, le grand soleil toute la journée,...
"Ah, non, en plus, on va crever de chaud!!"
*********
Le voyage en car se déroule de façon monotone, bien qu'une chaleur insoutenable s'abat à l'intérieur du bus. La climatisation ne fonctionne pas.
"Laissez-moi sortir, je veux redevenir libre. C'est du harcèlement animal. De la vivisection. Même une souris de laboratoire ne doit pas subir ce genre de traitement!!"
Spirou tente de calmer le petit animal.
- Du calme, Spip, je sais qu'il fait chaud, mais ce n'est rien à côté de ce qui nous attend.
"Mais il se fiche de moi, ma parole, le rouquin?"
Enfin arrivés au port d'Almeira, grande ville grouillante de monde, ils y passent la nuit dans un bar à attendre le lever du soleil.
- Il est tard, je ne sais pas si ça vaut la peine d'encore prendre une chambre d'hôtel, s'interroge Spirou en sortant les bagages de la soute.
- Attendons plutôt dans un de ces dancings, il semble y avoir de l'ambiance dans le coin, lui répond Fantasio en portant un petit sac de voyage.
- Oui, je vois, il vaut mieux en effet, car JE me vois mal porter tout cela jusqu'à un hôtel.
- rhôô, mais où est passé le fier aventurier? demande Fantasio venant le secourir, avec un grand sourire ironique.
Fantasio profite de ces instants pour danser toute la nuit avec quelques créatures de rêve, alors que Spirou essaie de refaire le parcours des pateras, en repensant aux quelques mots de la Murène. « Il faut les sauver »!
Dès l'aurore, nos deux comparses s'embarquent dans le premier ferry, pour refaire le chemin inverse de la Murène. Ils se retrouvent à bord de La Fuenta, joli ferry de croisière.
A la proue du navire, ils contemplent le paysage. Fantasio est encore un peu dans les vapeurs nocturnes.
- Je vais fumer ce bon tabac espagnol à l'arrière du pont, pour ne pas t'empoisonner.
- Tu n'aurais-pas plutôt envie de parler avec la belle passagère que tu as rencontrée la nuit dernière ? Enfin, je te rejoindrai plus tard, je vais d'abord parler à l'équipage, je pourrai peut-être en apprendre plus.
Spirou essaie d'accoster plusieurs marins, mais la tâche s'annonce ardue.
- Des infos sur les pateras? non, connais pas, laissez-moi, lance le premier matelot sur le pont.
- Mrhggr, je travaille, dit un autre dans les cuisines.
Le troisième, un costaud, interrogé par Spirou dans la salle des machines, lui jette un regard de tueur.
- Ecoutez, dit le quatrième, tout en nettoyant les cabines, je suis moi-même marocain, et j'ai un ami dont le frère du cousin de sa belle-soeur a tenté la traversée, il y a quatre jours. Si vous allez à cet endroit (il tend un billet sur lequel il vient de griffonner rapidement une adresse), vous aurez peut-être des renseignements. Mais dans le milieu maritime, on n'aime pas trop parler des ces choses-là.
Le jeune matelot file reprendre son travail. Spirou reste coi, avec son billet en main.
Après avoir passé le phare de Gibraltar, ils arrivent dans le port de Mellila, et en descendant de la passerelle:
- Je t'avais dit qu'elle n'était pas faite pour toi.
- Oui, bon, montre-moi l'adresse plutôt que de me faire la morale, rétorque Fantasio, se frottant la joue bien rouge.
Nous avons de la chance, nous voici déjà avec un contact, rassure Spirou. Mais méfions-nous, les marins n'avaient pas l'air de vouloir beaucoup en discuter.
*********
Il se rendent rapidement à l'adresse indiquée. Tous deux découvrent un quartier pauvre, presque délabré, où seuls quelques vieux trainent dans la rue. Les enfants ont déserté depuis longtemps ce coin difficile.
- "Et c'est pour ça que vous m'avez fait déplacer? grogne Spip.
Arrivé devant la maison décrépie, façade blanche, ils y rencontrent un vieux monsieur.
- Oui, c'est mon plus jeune fils, Karim, qui a traversé avec une patera; il est parvenu à détromper la vigilance de la guarda espagnole, lorsqu'ils ont intercepté le bateau, et accroché à une bouée, il est revenu sur les terres africaines, frigorifié. Il est encore au lit, il est malade depuis ce moment. Que voulez-vous?
- Nous sommes venus pour vous aider et empêcher que cela se reproduise, annonce Spirou.
- Je suis journaliste et je veux dénoncer cette arnaque dans les journaux européens, rajoute Fantasio.
- Nous n'avons pas besoin de l'aide des occidentaux, filez, s'emporte le fier magrébin.
- Ecoutez, insiste Fantasio, notre ami John Héléna était sur le bateau et ...
- Partez ou ...
Un jeune homme, faible, sort de la maison.
- Laisse papa, je vais mieux. Vous avez parlé de John Héléna?
**************
Nos deux amis, le jeune homme et son père, s'installent autour d'une table branlante, au milieu d'une pièce sombre, éclairée par une petite ouverture dans le mur. L'homme âgé a fermé sa porte, non sans avoir regardé si quelqu'un les espionnait.
Spip, pendant ce temps, tente de chaparder l'une ou l'autre arachide qui traine près du foyer de la cuisine.
Alors que Spirou tente de l'attraper, il commence:
- John Héléna a failli y laisser sa vie lors d'un voyage en bateau reliant cette ville avec l'Espagne.
- Quoi? Ce pauvre John a failli perdre la vie? Quelle malchance, le seul en qui on pouvait avoir confiance, s'attriste le jeune Marocain.
- Lorsque nous l'avons quitté, il était hors de danger, mais encore très faible, il n'a pu nous parler. Karim, Peux-tu nous raconter les circonstances?
- Beaucoup de Marocains de nos régions sont pauvres, et sont tentés par la riche Europe. D'autres jeunes de pays africains viennent ici aussi pour les mêmes raisons: filer vers l'Espagne. Comme nous ne pouvons y entrer légalement, nous le tentons clandestinement.
J'avais économisé quelques dinars et mon père m'a aidé à compléter la somme, pour m'offrir une meilleure vie que la sienne et celle de maman. Mais nous ne pouvons nous permettre de belles croisières. Et nous sommes tombés sur un escroc.
- Héléna, bien sûr; il a replongé dans les affaires louches, lance Fantasio.
- Non, pas du tout, Héléna est le seul qui voulait vraiment nous aider. Il était sur le bateau pour cette raison. C'est Don Mascarpone qui tire les ficelles et à qui nous payons le prix de la traversée.
- Don qui ???
- Don Mascarpone, un Italien qui est arrivé il y a quelques mois et...
Nos deux compères se regardent, interloqués. La même idée leur passe en tête.
- Il est ventru? Il fume le cigare? Il a un accent italien de mafioso? Interpèle notre ami blond.
- Euh oui, vous le connaissez?? dit-il méfiant.
- Mmh, malheureusement oui, souligne Fantasio.
- Et nous avons quelques affaires à régler avec ce bonhomme, fulmine Spirou.
(A suivre)...