Arthur PIROTON

Tout ce que vous vouliez savoir et ne pas savoir sur les auteurs du beau journal de Spirou, les connus et les moins connus. Ces portraits sont rendus parfois à l'occasion d'anniversaires, parfois lors du décès d'un auteur, hélas...

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Pigling-Bland
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Arthur PIROTON

Message par Pigling-Bland »

En appoint des aventures de Jess LONG dont on trouvera quelques exemples dans la rubrique "BD plus ou moins connues...", voici une interview réalisée en 2007 par Vincent Rixhon pour son propre site.
Cette très sympathique interview méritait d'être publiée ici.

Chez Arthur Piroton

En août et en septembre 2007, madame Paula Piroton a eu la très grande gentillesse de m'accueillir à plusieurs reprises chez elle, à Anthisnes, pour parler de son mari, Arthur Piroton. Paula s'est mariée avec Arthur en 1957, il y a 50 ans. Ils ont eu quatre enfants : deux garçons et deux filles. Le plus jeune de ses fils, Patrick, a d'ailleurs le même âge que moi. Arthur a presque toujours habité à Anthisnes, à part six ans passés à Bruxelles à ses débuts chez Dupuis où il a d'ailleurs rencontré Paul Deliège. Je suis très ému de me trouver dans la maison où Arthur a vécu et a travaillé. Il y a encore beaucoup d'objets et de souvenirs se rapportant à lui. Je suis très heureux d'avoir pu rentrer dans son bureau, où il a travaillé tant d'heures sur ses planches. Je découvre avec plaisir tous ces éléments qui vont me permettre de lui rendre un hommage à la grandeur de l'homme, qui fût talentueux et consciencieux dans son travail, mais aussi et surtout un père de famille attentionné. C'était aussi quelqu'un qui avait un grand sens de l'amitié. Dans le salon, où nous allons parler durant plusieurs heures, il y a beaucoup de souvenirs de son mari: c'était un grand artiste ! Pendu au plafond, un petit avion qu'Arthur a fait voler durant 850 vols: il était vraiment passionné de petite aviation!

Sur un des murs du salon, une toile signée "Piroton". Sa signature est reconnaissable entre toutes. C'est une toile qu'il a peint dans le bas de sa rue, à l'époque où elle s'appelait toujours la rue "des Roches". Je reconnais tout de suite l'endroit que je connais très bien. Paula me dit à propos de cette toile: "Il s'est levé trois jours de suite vers 5 heures du matin pour la réaliser et ainsi avoir la même lumière chaque jour".
Sur le mur du fond, une aquarelle qui a servi pour la couverture d'un livre qu'il a illustré: "Vents, tempêtes et cyclones".
Sur un autre mur, une aquarelle de son grand ami Paul Deliège: elle représente le petit village d'Olne et son église. Ce village est le village où est né et où a vécu Paul Deliège.

Dans un premier temps, je montre à Paula le travail que j'ai déjà réalisé sur Arthur pour le site.
Elle les regarde avec attention et, sur la page consacrée à l'album "Neige poudreuse à Liège", elle me dit: "c'est ma voiture de l'époque ça !". En effet, la petite "Renault 5" qui se ballade de case en case est bien la voiture de Paula à cette époque. "Il a même poussé les détails à mettre mon numéro de plaque! C'est d'ailleurs toujours le même aujourd'hui".
De fil en aiguille, des détails lui reviennent en mémoire, elle est heureuse de pouvoir me raconter quelques anecdotes.


- Vincent Rixhon: Savez-vous où est né Arthur Piroton à Vien ? Avez-vous l'adresse ?

- Paula Piroton: Non, je n'ai pas l'adresse mais je sais qu'il est né dans le petit hameau "Les Floxhes", au dessus de Vien (qui fait aussi partie de la commune d'Anthisnes). Son papa y a construit une nouvelle maison par la suite. (Le papa d'Arthur était menuisier).

- V.R.:
La rue où nous nous trouvons porte actuellement le nom de votre mari, à quelle date a-t-elle été inaugurée ?

- P. P.: C'était l'année de son décès, exactement le 11 octobre 1996. Toute la famille était présente.

- V.R.: Pour la création des histoires de Jess Long, Arthur a certainement dû voyager aux Etats-Unis non ?

- P. P.: Non, malheureusement il n'y a jamais mis les pieds. Certaines personnes l'ont cru, mais il a toujours démenti. En fait, il demandait à des amis qui partaient en vacance là bas de prendre quelques photos de certains endroits bien précis. Arthur voulait absolument que les décors soient parfaits et il ne supportait pas les imprécisions. Il ne voulait pas de reproche, il était perfectionniste. Ses amis en question lui apportaient les films de photos et Arthur allait les faire développer. Il avait beaucoup de photos et il ne voulait pas non plus dessiner deux fois le même endroit. En général c'était des personnes de la région. Je me souviens que Monsieur Dubois de Poulseur (village voisin d'Anthisnes) y était parti et qu'il lui téléphonait de temps en temps pour lui dire les photos qu'il avait prises. C'était aussi pour lui demander s'il en voulait d'autres, si c'était suffisant. Il fonctionnait aussi beaucoup à l'amitié.

- V.R.: Et Arthur n'a jamais voulu partir aux Etats-Unis ?

- P. P.: Oh oui, il a failli y partir à plusieurs reprises. Mais à chaque fois, un grave problème de santé l'en a empêché. La première fois, nous devions partir avec Maurice Tillieux et j'étais enceinte de ma fille. Je n'étais pas très bien, nous avons alors dû annuler notre départ au dernier moment. La seconde fois, beaucoup plus tard, c'est lui qui a eu un grave problème de santé. Là encore, nous avons dû annuler.

- V.R.: J'imagine qu'il a également dû avoir d'autres sources de documentation ?

- P. P.: Oui, il était abonné à plusieurs magazines dont "Géo magazine" et un moment aussi à "Route 66 Magazine". Mais il téléphonait également aux ambassades pour leurs demander de la documentation. Par exemple, pour l'histoire "L'inconnue de Montréal", il avait demandé à l'ambassade du Canada de lui envoyer quelques photos. Pour l'histoire "L'appel du Loup", nous avons été prendre quelques photos de loups à la Raid à Theux (près de Spa en région Liégeoise - aujourd'hui, parc "Forestia") et ensuite nous avons même été prendre d'autres photos dans le parc du Gévaudan (France).

- V.R.: Avez-vous aidé votre mari dans l'élaboration de certaines aventures ou dans le coloriage de certaines planches ?


- P. P.: Oui, au début, surtout pour des planches de Michel et Thierry.

- V.R.: Est-il vrai qu'Arthur a eu une correspondance avec Hergé et que celui-ci lui a donné quelques conseils ?

- P. P.: Oui, ils se sont écris plusieurs fois et Hergé lui a répondu à chaque fois en lui donnant quelques conseils. Mais tout cela s'est passé avant que je connaisse Arthur et je ne sais pas ce qu'il a fait de cette correspondance. En tous cas, lorsque la première aventure de Jess Long est sortie en album, Arthur lui a envoyé un exemplaire.

- V.R.: Jess Long a-t-il été traduit dans plusieurs langues ?

- P. P.: Oui, en anglais, en allemand, en Espagnol et en italien. Un moment, il y a eu des négociations pour les pays nordique comme la Norvège et la Suède, mais je pense que cela ne s'est finalement jamais fait.

- V.R.: Arthur n'a jamais envisagé une reprise de son héros par quelqu'un d'autre ?

- P. P.: Non, il ne voulait pas que quelqu'un d'autre continue son personnage.

- V.R.: Arthur travaillait pour le magazine Spirou depuis longtemps, il n'a jamais été voir ailleurs ?

- P. P.: Non. Et pourtant il a eu pas mal de propositions par le journal Tintin notamment. Oui, ils lui ont écrit plusieurs fois. Il est vrai que son style était beaucoup plus proche de ce qu'il y avait dans Tintin, mais il avait ses amis chez Spirou.


- V.R.: Savez-vous qui aurait inspiré physiquement le personnage de Jess Long à Arthur ?

- P. P.: Oui, c'est Alain Delon à l'époque de la fin des années 1960. On le reconnait surtout bien dans la première aventure, puis le personnage a évolué graphiquement par la suite.

- V.R.: Je trouve que le style graphique d'Arthur est assez proche de celui d'Alex Raymond. Connaissait-il bien Alex Raymond ?

- P. P.: Oui, il connaissait très bien. Il aimait son style. C'est de lui qu'il a pu s'inspirer en partie, par son style réaliste. Il lisait les aventures de "Rip Kirby" dans les journaux dans sa jeunesse. Les strips passaient dans les journaux comme "La Meuse" ou "Le Soir".

D'après des propos recueillis chez Arthur Piroton le 19 septembre 1985, Arthur a déclaré: "Quand je suis rentré chez Dupuis avec un autre illustrateur, on nous a fait copier les dessins d'Alex Raymond, et le directeur artistique qui était alors Maurice Rosy a poussé dans cette voie là".

- V.R.: Slim Sullivan aurait-il été inspiré par "Rip Kirby" ?

- P. P.: C'est vrai que la ressemblance entre les deux personnages est frappante dans certaines attitudes. Un jour, un ami lui a même offert une série de livres, malheureusement en allemand, d'Alex Raymond. Ca lui a fait plaisir de retrouver la série qu'il a lu étant enfant.

- V.R.: Arthur a-t-il eu des contacts avec le F.B.I. pour la documentation ?

- P. P.: De ce côté là, c'est principalement son scénariste qui s'en occupait.

- V.R.: Sont-ils au courant de l'existence de Jess Long, héros de bande dessinée et agent fédéral ?

- P. P.: Oui et ils ont même eu des exemplaires de la bande dessinée de mon mari. Ils trouvaient cela très bien d'ailleurs, cela les amusaient. Un des scénaristes de mon mari leur portait un album de temps en temps, dans le cadre de son travail. Il a eu des scénaristes qui travaillaient dans le domaine de la police.

- V.R.: Arthur a-t-il aidé de jeunes talents ?

- P. P.: Oh oui, plusieurs. Un moment, il y avait plusieurs jeunes qui venaient auprès de lui. Il était toujours content de pouvoir donner des conseils. Il y a eu Francis Carin ("Les Casseurs de bois" avec Arthur Piroton, "Victor Sackville", ...), Michel Pierret ("Hidalgos", "Les Aigles Décapitées", ...) et bien d'autres.

- V.R.: Côté littérature, romans, Arthur avait-il des préférences ?

- P. P.: Oui, il aimait les livres policiers comme les Maigret. Voici les derniers livres qu'il lisait : "Les tunnels de CU CHI" et "Enquêtes et témoignages" et dans le domaine du cinéma, il aimait beaucoup les films d'action où cela bougeait beaucoup.

- V.R.: Et dans la bande dessinée ?

- P. P.: Bien sûr, il aimait les "Rip Kirby" et les petits strips qui passaient dans les journaux de son enfance. Dans les jeunes auteurs, je me rappelle qu'il avait particulièrement bien apprécié "Jérome K. Jérome Bloche" d'Alain Dodier. Il lui avait d'ailleurs téléphoné pour le féliciter.

D'après des propos recueillis chez Arthur Piroton le 19 septembre 1985, Arthur a répondu à la question "Quels étaient vos auteurs B.D. préférées dans votre enfance?" : "On parle d'auteurs maintenant mais à l'époque on parlait simplement des bandes. "Le Fantôme" qui, avec "Cavalier Rouge" et "La famille Illico étaient mes préférés. Et ensuite il y eut "Joe Bing en Alaska" par Marijac, et c'est ça qui m'a poussé à la bande dessinée. Et quand j'étais gamin avec mes camarades, je jouais à Joe Bing. Après, quand on rentrait, je dessinais. J'oubliais, il y a une aventure de Valhardi qui se déroulait dans le désert "les incendiaires" par Jijé et l'Epervier Bleu par Sirius. Et puis après il y a eu Buck Danny. Mais c'est Joe Bing, suivi de Valhardi, qui m'a le plus passionné."

- V.R.: Avez-vous gardé des traces d'une bande dessinée créée en 1968 et qui s'appelait "Martin Lebart" ?

- P. P.: Oui, je possède encore toutes les planches originales. La moitié de ces planches ont été publiées dans le journal de Spirou à cette époque. Elles ne sont jamais parues en album. Pourtant, il était prévu au départ de les éditer en deux tomes. La série a été abandonnée par la création de Jess Long. C'est en quelque sorte l'ancêtre de Jess Long. Mon mari trouvait que Jess Long était plus intéressant. De plus, le scénariste, Maurice Tillieux, rendait la série plus "solide".

Madame Piroton me montre les planches en question que je trouve tout à fait superbe. Quel dommage qu'elles n'aient pas été éditées en album !

- V.R.: Arthur a-t-il participé à des émissions de radio ou de télévision ?

- P. P.: Oui, à plusieurs émissions en Belgique et en France. Des émissions pour la bande dessinée, mais aussi pour la petite aviation et le modélisme. Un jour il a d'ailleurs participé à une émission en France avec Paul Deliège et ils se sont perdus dans les couloirs, un souvenir mémorable.

- V.R.: Possédez-vous toujours la dernière planche d'Arthur sur "Les maîtres du barreau", planche inachevée ?

- P. P.: Non, d'ailleurs elle se trouve chez Raoul Cauvin.

- V.R.: Arthur était un vrai passionné de petite aviation, il a d'ailleurs participé à plusieurs compétitions internationales, a-t-il gagné des prix ?

- P. P.: Oui, à Paris il a eu une coupe, qui est toujours dans son bureau d'ailleurs. Il a terminé huitième en statique.


Merci beaucoup pour votre témoignage madame Piroton.

Interview réalisée en 2007 par Vincent Rixhon
© Vincent Rixhon
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Désolé madame, je ne peins plus que les natures mortes ! Qu'on vous assassine, et c'est chose faite !
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Jipé
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Re: Arthur PIROTON

Message par Jipé »

Très bien! :bravo2:
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