Numéro 4483 du 13/03/2024
Ici la présentation illustrée par jeepcook
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Yoko en couverture, cela me donne toujours une petite émotion, car c’était une de mes héroïnes et séries préférées entre 9 et 14 ans. Certaines séries peuvent être bonnes en dépit d’un héros falot, et de bons personnages peuvent vivre des histoires peu passionnantes, mais ici, je redis combien et Yoko, et ses aventures, ont été non une révolution (car la situation des séries FB n’a pas été révolutionnée à sa suite) mais un tremblement de terre, qui a marqué ses jeunes lecteurs à jamais, même si le paysage BD est resté le même, reconstruit à l’identique. Une femme, jolie mais pas sexy (ni
Natacha, ni
Barbarella, faites pour plaire à un lectorat masculin), non caucasienne (avant elle, en dehors de Cirage dans
Blondin et Cirage, par
Jijé, de Dizzy et Atchi et Atcha dans La ribambelle, par
Roba, de Tom et Tsin-Lu dans
Les pionniers de l'espérance, par
Poïvet, qui d’autre? Encore ceux-ci officiaient-ils dans un groupe, et n’étaient pas les seuls héros en titre), féminine sans clichés, et qui traitait à égalité avec les hommes (ce qui a conduit certains lecteurs à la traiter d’enquiquineuse)., tout en restant sensible et proche des gens, c’est pourquoi les lecteurices peuvent l’appeler familièrement par son seul prénom, ce que la distance que créent
Gil Jourdan,
Lucky Luke ou
Théodore Poussin empêche de faire. Une série féministe sans discours, par le fait que bon nombre des personnages secondaires qu’elle rencontrait était aussi des femmes, de la même valeur qu’elle, et humaniste, encore par structure, par le fait que certains de ces personnages sont devenus des amis, ont été souvent revus dans la série (sans être sa némésis), n’étaient donc pas anecdotiques ni de la chair à scénario, jetables après utilisation, mais de vrais humains. Quant aux histoires, ce mélange de hard science, d’horreur gothique et d’humanité était aussi assez exceptionnel.
On peut mesurer l’importance qu’a eue Yoko Tsuno pour de nombreux lecteurs quand on voit que, dans la présentation de cette nouvelle histoire, trois auteurs parlent de leur admiration et de leur dette envers Yoko et
Roger Leloup, alors que ce qu’ils font n’a rien à voir avec Yoko, dans la forme comme dans le fond:
Bob, auteur (avec les
Beka) de
L’École des petits Monstres, série pour enfants dans l’esprit des
Crados, chez
Dupuis, dans un style bubble gum (il travaille surtout dans le dessin animé),
Nicolas Gaignard, auteur d’un récit d’anticipation politique dure et d’un album d’humour noir chez
Fluide, et
Dino, l’auteur de
Tash et Trash. L’influence de Yoko va donc au delà du visible, ce qui est juste pour une héroïne de SF spirituelle.
En couverture, donc, Yoko en Écosse (un château au bord d’un lac embrumé), l’Écosse et le Japon étant ses deux Champignac (les lieux où elle retourne avec plaisir, comme Spirou et Fantasio, (Et je passerai cette fois sur les problèmes de proportions et de perspective du dessin).
Suite et fin de la première partie de la seconde partie (la troisième partie, donc) des nouvelles aventures de
Spirou et Fantasio, sans explications ni raison autre que celle, par déduction, de la lenteur au dessin de
Schwartz. Pas grave, il y a eu des précédents dans le journal. Semi finale donc, avec, comme dans trop de séries à énigmes, son lot d’explication laborieuses finales. Pas trop laborieuses, heureusement, grâce aux variétés de plans, de décors, et à la scène d’action de sauvetage par Seccotine en fantacoptère. Je tique toutefois sur la révélation que Zorglub, ce génie de l’électronique et de l’égo, ait pu vouloir acheter un programme informatique, plutôt que le faire lui-même ou le voler. Et trois détails: les scénaristes
Benjamin Abitan et
Sophie Guerrive auraient pu trouver mieux que l’expression “laisser pour mort’” concernant un robot, le corps semi-réaliste de Caténaire ne convient pas à ce personnage timide et maladroit, enfin, on voit tout de suite les caractères chinois tracés par un non sinophone, car les recopier correctement est mission impossible, il faut en comprendre la structure pour les tracer.
Épisode d’action très réussi pour
Frnck. Si le passage où les personnages se retrouvent coincés à essayer de franchir un précipice a souvent été vu,
Olivier Bocquet,
Brice cossu et
Yoann Guillo, par les personnages et l’humour décalés, lui donnent un goût de neuf. Combat aérien au temps de la prohibition dans
Black Squaw, mais l’absence d’onomatopées, le dessin et les cadrages d’
Alain Henriet nous emmènnent loin de
Sammy de
Berck, dans une séquence aux limites d’une beauté abstraite et calme. La façon dont
Betbeder et
Djieff dépeignent
Lovecraft dans cette séquence de
Créatures, si elle est conforme à ce que l’on sait du personnage historique, est tout de même un peu réductrice et caricaturale dans ce cadre. Mais j’attends la suite pour savoir si ce traitement est justifié par l’histoire.
Nombre de gags en une page, mais encore une semaine sans histoires courtes. Par contre, d’énigmatiques
Jeux sur
Papyrus, ce personnage ayant vécu son ultime aventure en 2015. Mais cette double page de
Frédéric Antoine et
Yohann Morin (un Français vivant au Québec et un Québécois) est bien faite, et valait la peine qu’elle soit publiée en retard sur
L’année des héros.
Les BD de la vie d’
Olivier Schwartz sont une surprise, tant par leur choix (il est donc grand amateur de comics) que par la manière dont il en parle, mélange d’anecdotes personnelles et de point de vue éclairants (ainsi sur une autre mort de héros de BD,
Denny Colt, qui deviendra
Le Spirit), et son autoportrait en capitaine Haddock culpabilisant est aussi inattendu que bien vu.
Dans les gags, nombreuses références: le retour de la mythique grotte protectrice faite de livres de
Gaston dans
Le strip dont vous êtes la star, de
Sergio Salma et
Libon, présence de
Harry (Potter ou
Houdini? Un magicien, en tous cas) dans
Des gens et inversement, de
Berth, un personnage romantique, comme l’esprit des histoires de
Yoko Tsuno, dans
Le bulletin d’abonnement, de
Cromheecke et
Thiriet, Gaston lagaffe encore dans
La leçon de BD de
Marko, qui donne des conseils pertinents,
Pinocchio dans un drôle de gag d’humour noir de
Dav, Cyril Trichet et
Esteban pour
Pernille, une auto citation de
Bernstein et
Bercovici dans
3 infos 2 vraies 1 fausse, et au fait que maintenant tout acte peut (et doit) être rendu public et jugé et noté sur les réseaux sociaux dans un gag amusant de
Kid Paddle, de
Midam, Patelin, Dairin et
Angèle, de même dans
Titan inc. de
Paul Martin et
Manu Boisteau.
Un gag stressant, très noir de
Happy calypse, par
Laulau et
Gyom, une plaisante apparition de princesse Peau d’âne dans
La méthode Raowl, de
Tébo. Un gag en huis-clos de
Elliot au collège, bien rendu par les cadrages serrés de
Théo Grosjean et les couleurs réduites à l’orange et au gris de
Anna Maria Riccobono, la trouvaille de ne pas tracer de cadres aux cases, loin de donner de l’espace et de la liberté aux personnages, comme le fait
Tébo dans
La méthode Raowl, suggère au contraire que les personnages créent et sont prisonniers de leurs propres angoisses. Bien moins subtil,
Delaf, qui visiblement n’avait pas créé de fichier informatique pour Spirou et le marsupilami, au contraire de ce qu’il a fait pour tous les autres personnages, décors et objets, a dessiné ceux-ci comme
Fournier au tout debout du
Faiseur d’or, avec les mêmes maladresses (mais
Fournier avait l’excuse d’être jeune et presque débutant). Par contre, les
Fabrice, et dans leur cas c’est voulu, dans leur désir de faire une série ayant, comme
Yoko Tsuno, “le souffle de l’aventure avec des méchants balafrés , des crocodiles et un trésor caché” montrent par contraste tous les clichés dont est exempte
Yoko Tsuno.
Enfin , le supplément est un jeu,
Timeline, sur les personnages de
Spirou, dont le but est de retrouver ou deviner la date de leur création dans le journal, parfait pour les érudits et/ou les pédants…Et une publicité pour une nouvelle série paraissant chez
Vega, le label manga de
Dupuis, m’apprend l’existence d’un nouveau genre de BD, les anime comics (Une BD faite de photogrammes d'un dessin animé...)
" Monólogo significa el mono que habla solo." Ramón Gómez de la Serna dans ses Greguerías.