LE GORILLE A BONNE MINE

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Pigling-Bland
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LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Pigling-Bland »

LE GORILLE A BONNE MINE + VACANCES SANS HISTOIRES par André Franquin
Editions Dupuis


Voici la couverture et la 4ème de couverture de l'édition originale de cet album publié en 1959 :

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Si vous l'avez déjà lu vous pouvez le noter selon le barème suivant :

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Trichoco
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Trichoco »

Agréable.
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par DESPERA »

Idem. Je rajouterai qu'il est très drôle.
ElEmperador1907
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par ElEmperador1907 »

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Gaston Lagaffe
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Gaston Lagaffe »

Mon album préféré dans les trois Franquin contenant deux récits. Les deux récits sont excellents et j'aime beaucoup la fin du Gorille a bonne mine avec les méchants qui vont s'entre-tuer.
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Mister B
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Mister B »

L'album vaut surtout pour "Vacance sans histoire" un chef d'oeuvre de gag avec apparition de la Turbot 2
"Le Gorille à Bonne Mine" m'ennuie un peu même si Franquin est au sommet pour reproduire la jungle !
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Moulignac
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Moulignac »

Un excellent titre (même si "Le gorille a mauvaise mine" aurait été meilleur) et deux histoires très différentes.

1. J'aime bien "Le gorille ..." qui me fait toujours sourire et me rappelle un peu ... "Tintin au Congo".
Spirou et Fantasio confrontés à de vrais méchants tous blancs et à peine aidés par des Africains apeurés et naïfs. Même chose pour les gorilles présentés ici de façon plutôt négative et inquiétante alors qu'aujourdhui, on ne diffuse pas un documentaire animalier qui n'insiste sur le caractère naturellement doux de cet animal.

Le reflet de la pensée dominante dans les années 50 rien d'autre ... Espérons qu'il ne viendra à l'idée de personne de demander son interdiction ...

2. J'aime bien "Vacances sans histoire" qui m'a toujours donné l'impression d'être le fruit d'une erreur de casting. En lieu et place de Fantasio et Spirou j'y verrai bien Gaston et Prunelle. Gaston à la place d'un Fantasio bricoleur ayant complètement modifié une vieille De Dion-Bouton 1912 et Prunelle prenant la place d'un Spirou de mauvaise humeur qui s'inquiète de ce que tout ça a bie pu coûter.

Pour l'ensemble je mets 3, l'album valant surtout pour la qualité des dessins de Franquin aussi à l'aise dans la jungle que dans le monde urbain occidental.
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Fantasio magazine
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Fantasio magazine »

J'ai trouvé cet album ennuyant. Effectivement, les gags de la deuxième histoire sont divertissants. Par contre, l'histoire du gorille ne réussit jamais à vraiment m?intéresser. Je dois par contre admettre que comme vous le dites, la jungle est superbe. Je donne 2.
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Jalias
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Jalias »

Après une pause de 2 ans (déjà! :shock: ), j'ouvre un oeil pour reprendre mes critiques manquantes (et il en reste encore un certain nombre). C'est parti pour un album, qui bien que sympathique et intéressant sur plusieurs points, ne m'a pas transcendé:

- A mon avis, c’est une sentinelle que nous AAH !
- Tais-toi donc, tu vas les faire fuir !
- Mais tu ne te rends pas compte de l’effet que tu fais, comme ça, à l’improviste !


Une série qui fait ronron

Deuxième album à la suite proposant deux histoires, le gorille a bonne mine sort alors que Franquin est maintenant un auteur établi et n’a plus rien à prouver. Il a structuré sa série en même temps que son art, et on pourrait même dire qu’après une belle période d’effervescence créative (tant narrative qu’artistique) allant grosso modo d’Il y a un Sorcier à Champignac jusqu’à la Mauvaise Tête, la série semble avoir trouvé son rythme de croisière et se met malheureusement à ronronner un peu. ça me semble assez flagrant avec la profusion d’histoire semi-longues de cette période, comme si Franquin n’arrivait pas depuis le Repaire de la Murène à trouver un sujet qui le passionne suffisamment pour un album complet, mais également avec le retour de collaborations (avec Rosy et Will sur les Pirates du Silence, Roba avec Spirou et les hommes bulles et Greg et Roba pour Tembo-Tabou) qui donnent des histoires globalement inférieures à ses travaux antérieurs et permettent surtout de continuer à assurer une présence régulière du groom dans le journal (mais qui permettra la naissance des meilleurs albums de la série signés Greg-Franquin !). De cette période un peu transitoire, seul ressort vraiment le très poétique Le Nid des Marsupilamis. Ainsi, bien que réalisées par Franquin seul, le Gorille a bonne mine et Vacances Sans Histoires, les deux histoires qui composent cet album, pâtissent un peu de cette période de flottement, où l’écriture se fait plus automatique et attendue. Ce qui explique sans doute le désintérêt poli que suscite cet album, très peu commenté par les inedispiroutistes et les exégètes.

Mais s’il demeure un album « mineur » dans le grand-œuvre de Franquin sur Spirou, le Gorille a bonne mine demeure intéressant, notamment comme jalon pour déterminer le chemin parcouru dans l’écriture et le dessin par Franquin, mais également dans la répétition de certaines idées et la réutilisation de certains thèmes ou certaines marottes de son auteur, afin d’en étudier les possibles évolutions.

Et là, vous me voyez venir avec mes gros sabots, alors que le gorille a bonne mine est peut-être un des derniers récits de Spirou en Afrique colonisée, on ne va pas pouvoir échapper à un dernier tour de piste sur l’imagerie coloniale et la représentation des populations indigènes, sujet ô combien léger et pas du tout clivant. Youpi ? Courage, je ressors les rames !

On retourne donc dans les sujets potentiellement casse-gueule, mais pour essayer d’être pertinent, je vais me pencher sur la question suivante : « est-ce que la représentation de l’Afrique chez Franquin a évolué ici par rapport à ses travaux antérieurs ? »

Vous reprendrez bien un peu de clichés coloniaux ?

Avant toute chose, je suis en accord complet avec la critique de l’album dans la bibliothèque : si l’imagerie coloniale développée dans l’album peu au mieux paraître surannée, au pire particulièrement offensante, il est impossible d’analyser cet album sans faire un effort de contextualisation. Il est évident que notre vision du monde est totalement différente de celle de l’époque, et juger sans recul d’une œuvre aussi ancienne n’a absolument aucun sens. En plus de cet effort nécessaire, on doit aussi se prononcer sur la possible intention de l’auteur (en espérant que celle-ci nous apparaisse clairement), mais également en prenant en compte notre sensibilité personnelle, nos limites si je puis dire, qui sont forcément éminemment subjectives, dépendantes de notre vécu mais également changeantes au fil du temps (heureusement qu’on a toujours la liberté de changer d’avis). Et donc c’est pour ça qu’étudier le gorille a bonne mine m’oblige forcément à comparer avec les impressions que m’avaient laissé la Corne du Rhinocéros, Spirou chez les Pygmées et Tembo Tabou. Ceci permet d’affiner le regard et de, peut-être, pousser la réflexion plus loin que « c’est bien/c’est pas bien ».

Et ce qui est intéressant, c’est que ces trois albums m’avaient laissé des impressions totalement différentes concernant cet aspect : pour la Corne de Rhinocéros, l’imagerie coloniale était tellement en second plan (voire au troisième plan) que je peux sans difficulté « passer outre » et regarder cet album avec un peu (beaucoup diront certains) d’indulgence ; alors qu’à l’inverse les clichés coloniaux étaient tellement prégnants dans Spirou chez les Pygmées (et étaient au premier plan de l’histoire et de sa résolution) qu’il est pour moi absolument impossible de passer outre ou simplement d’apprécier ma lecture. Et finalement Tembo Tabou, plus tardif, a surtout éveillé chez moi de la lassitude sur des clichés finalement tellement éculés que même la narration en était un peu embarrassée et ne savait pas trop quoi faire de ses personnages. De cette imagerie qui s’essouffle, le gorille a bonne mine propose peut-être la vision la plus « frontale », avec une intrigue qui s’appuie complètement sur la situation géopolitique de l’époque (bien que transposée dans un pays fictif). Néanmoins, si ça ne reste pas une réussite absolue car certains clichés racistes ont décidément la vie dure, le gorille a bonne mine est déjà bien plus intéressant que d’autres œuvres qui traitent de ce sujet aussi frontalement, tout simplement car on sent poindre, enfin, un peu de nuance.

Un portrait plus nuancé ?

Alors bien sûr, quand je dis nuance, on n’est pas non plus sur un Goncourt, mais on commence à pousser plus loin la réflexion, notamment sur l’ingérence des colons en Afrique et une dimension politique totalement absente des précédents essais. On sent ainsi que le dictateur et le champignon (entre autres) est passé par là, et Franquin apporte un regard un peu plus critique et encore une fois plus politique dans son propos. Cela passe par le décalage entre le but très idéaliste de nos héros, venus en Afrique noire dans le cadre d’un reportage animalier et qui se retrouvent aux prises avec des magouilles bien huilées du docteur Zwart et ses sbires. Ils sont ainsi dans un conflit qui de base ne les concerne pas du tout, mais qui va tout de même les obliger à prendre position, enfin, pour les indigènes. La colonisation est pour la première fois dans la série présentée de manière plutôt négative, entre un Badman dépassé et alcoolique et des colons manipulateurs et ouvertement esclavagistes.

Bien entendu, tout n’est pas parfait, et dans une histoire qui parle d’esclavagisme des populations indigènes, celles-ci n’ont que peu voix au chapitre. Plus généralement, les personnages noirs sont de nouveaux présentés comme de grands enfants (si ce n’est physiquement, au moins émotionnellement), dépendants des blancs et facilement manipulables. La tribu des Wagundus est à peine esquissée (et Franquin ressort exactement le même design pour leur chef que pour celui des Wakukus dans la Corne de Rhinocéros), les porteurs ont à peine quelques lignes de dialogues, tout comme la tribu sauvage complètement sous la coupe du docteur Zwart. Mais tout n’est pas si négatif, il existe quelques réussites tout de même, comme le porteur Munono, qui a droit à deux moments de bravoures (lorsqu’il sauve la caisse avec le matériel au pont suspendu et lorsqu’il brise les lances des indigènes qui cherchent à l’enlever et en profite pour en faire du bois pour le feu). En fait, Spirou et Fantasio sont entourés de personnages fonctions, aussi bien les colons que les indigènes. Mais si les premiers sont assez moteurs de l’intrigue et ont droit à un nombre conséquents de lignes de dialogues, les seconds sont bien plus passifs et s’expriment très peu. Par exemple, lors de la disparition du porteur, c’est Badman qui exprime le fait que son départ est d’autant plus surprenant que les porteurs ont tous signalés être très contents de faire partie de cette mission, pas les porteurs eux-mêmes. Spirou et Fantasio ont finalement très peu d’interactions directes avec eux.

D’un côté, on a donc une histoire un peu plus consciente d’elle-même et des enjeux qu’elle soulève, mais qui s’appuie toujours sur des images d’Epinal assez maladroites. Cela reste néanmoins un pas en avant important, qui a sans doute permis à des albums comme le Gri-gri du Niokola Koba d’exister.

De l’importance du nom

L’exemple le plus concret de ce traitement en demi-teinte reste le jeune garçon qui éteint l’incendie de la 2CV de nos héros et les accompagne ensuite dans leur aventure. Alors que le garçon semble éminemment sympathique, courageux et capable, trois qualités qui permettent d’en faire un personnage secondaire important de l’intrigue, il reste relégué en toile de fond tout au long du reste de l’album, voire disparait (ainsi que les autres porteurs) lorsque Spirou et Fantasio trouvent le clan de gorilles, pour réapparaitre quelques planches plus loin. Pire, ce jeune garçon plein de promesses n’a même pas le droit à un prénom ! (j’ai vérifié) Plus que problématique (est-ce que vous imaginez Pti Maurice, Poildur, Ninon et les autres sans prénom vous ?), c’est pour moi une erreur narrative incroyable et assez rare chez Franquin. La série ayant initialement pour cible les enfants, et notamment les garçons, ce jeune garçon aurait dû être un personnage auquel le jeune public peut s’identifier, encore aurait-il fallu qu’il soit correctement caractérisé.

Du côté des colons, on a aussi des personnages-fonctions (l’antagoniste, ses sous-fifres, l’allié) mais qui sont tout de même plus étoffés dans leur caractérisation. Et ce travail passe en premier lieu par leurs noms. Outre la répétition du Z pour l’antagoniste principal, véritable marque de fabrique chez Franquin et qui annonce la couleur sur son rôle dans l’intrigue, j’apprécie beaucoup le jeu d’ambiguïté sur les noms des ingénieurs. La sonorité similaire des deux noms confirme intuitivement qu’il s’agit d’un duo « interchangeable », tandis que la dichotomie entre le nom Leblond et le personnage (qui a le cheveu noir) indique subtilement que leurs noms sont à l’opposé de leur personnalité. D’autant plus intéressant que face à eux, on trouve Badman (« homme mauvais » en anglais) qui s’avère être le gentil ! Très jolie inversion des clichés, qui malheureusement se devine beaucoup trop rapidement.

On notera que ce travail sur les noms est d’ailleurs aussi appuyé par le dessin et l’histoire : lors de leur rencontre avec Badman, celui-ci a une mine un peu renfrognée et s’éclipse rapidement, tandis que Lebon et Leblond semblent beaucoup plus amènes, faussement souriants et « prennent le temps » de discuter avec nos héros. Par contre chassez le naturel, il revient au galop, dès qu’ils montrent des signes d’anxiété sur le trajet de nos héros, le visage des ingénieurs devient beaucoup plus fermé.

Ce (léger) jeu de dupe permet à nouveau de dresser un parallèle avec le Gri-gri du Niokolo Koba, qui jouera également sur l’ambiguïté de son groupe de personnage, dans un whodunnit beaucoup plus poussé cela dit.

Vu qu’on est dans les noms des personnages, impossible de ne pas mentionner Ibn-Mah-Zoud, protagoniste principal de Vacances sans histoires, dont le nom indique clairement la fonction comique.

Une intrigue qui sait où elle va

La plus grande force du gorille a bonne mine est de proposer une histoire qui avance sans temps morts tout en développant habilement ses deux enjeux principaux : rencontrer et étudier les gorilles du mont Kilimakali (et ainsi enfin découvrir la dernière idée farfelue de Fantasio) et savoir ce que manigancent Zwart et les ingénieurs. Et il faut reconnaitre que Franquin mélange très habilement ses deux intrigues, sans qu’une ne phagocyte complètement l’album. Outre les coups-fourrés de Lebon et Leblond et du Docteur Zwart, les digressions avec le porteur et le Marsupilami sont extrêmement réussies. Notamment, le petit animal montre une fois de plus à quel point il est devenu nécessaire pour la créativité de Franquin. Hilarant (et terriblement bon tireur) avec un fusil, son combat de coqs avec le gorille en colère est tout à fait en accord avec son caractère en plus d’être très amusant. Tous ces à-côtés donnent ainsi sa richesse à l’album, sans jamais que le lecteur ne perde de vue les enjeux de l’intrigue ou qu’un élément de l’histoire ne soit complètement zappé (par exemple, lorsque Spirou et Fantasio libèrent les esclaves de Zwart, ils prennent le temps de signaler que le porteur disparu est parmi eux, il n’a pas été oublié par l’intrigue).

Particulièrement, je trouve très bien brossée et très crédible « l’escalade » de violence de la part des antagonistes envers nos héros : les ingénieurs cherchent d’abord à les dissuader simplement d’aller au mont Kilimakali, avant, sous le coup de la panique, d’incendier leur voiture ce qui met la puce à l’oreille de nos héros et ne fait que renforcer leur volonté. Les antagonistes pensent ainsi qu’ils n’ont plus le choix et doivent absolument les faire fuir ou les éliminer, quitte à tenter de les tuer ou les menacer assez clairement, alors qu’ils ne font que renforcer la méfiance de nos héros, leur implication dans la découverte de la mine clandestine. Bel exemple d’effet Streisand, et qui s’appuie sur une suite d’événements logiques sans raccourci scénaristique flagrant.

En effet, les indices disséminés le long de l’album et les discussions entre nos deux héros permettent au lecteur de comprendre en même temps que Spirou les tenants et aboutissants du plan de Zwart, et de montrer un Spirou futé et qui ne s’en laisse pas démontrer. C’est assez agréable de voir que malgré toutes les tentatives des antagonistes, nos héros ne sont pas juste ballotés par l’intrigue, mais gardent leur but en ligne de mire. Mettre en avant leur côté volontaire, voire obstiné, mais aussi épris d’aventures, fait montre d’une caractérisation parfaite des personnages principaux, avec des caractères bien affirmés et, encore une fois, plus nuancés.

Un groom en colère

Cette caractérisation « imparfaite » du groom se retrouve ainsi dans la confrontation finale avec Zwart. J’ai l’impression que beaucoup retiennent le discours « moralisateur » de Spirou sur l’or sale, produit de l’esclavage, que celui-ci rejette littéralement. Un discours du reste totalement indispensable pour aller au bout des questions soulevées par l’album et rappeler la probité morale de notre héros, face à un Zwart qui aura fait l’erreur de penser que l’humanité et l’empathie s’achètent.

Néanmoins, plus que ce discours, ce qui m’a toujours marqué c’est le coup de sang de Spirou face à Zwart, furieux d’avoir été attaqué et menacé pour un sujet qui ne l’intéressait pas le moins du monde. Cette facette plus humaine et plus colérique du personnage m’a toujours très fortement impressionné. C’est encore un bon moment pour rappeler que Franquin a toujours dit qu’il avait du mal à insuffler une personnalité à la « poupée » Spirou, qui pour une coquille vide fait portant preuve d’un sacré caractère. Qui plus est, ça rend la leçon de morale qui suit plus crédible vu que notre héros est toujours en colère, et est de plus écœuré de découvrir les raisons qui ont poussé à toutes ces attaques. C’est ce passage qui fait que pour moi, on a affaire à un personnage touchant et humain et non à un héros tout-propre et sentencieux.

Outre de le rendre plus attachant encore, et au risque de surinterpréter, je me demande si ce cri du cœur n’est pas aussi celui de Franquin, obligé d’inventer des péripéties nouvelles à ses héros aventuriers sans discontinuer alors qu’il voudrait juste « aller photographier les gorilles », c’est-à-dire laisser libre cours à sa créativité. Je disais en début de critique que la série avait tendance à ronronner, et je me demande si Franquin n’a pas le même constat et ne l’exprime pas ici.

Peau de singe

Face à un Spirou sanguin et méfiant, Fantasio fait montre d’un bel optimisme dès le début de l’album avec le petit mystère du paquet du taxidermiste. Il est mignon à vouloir faire la surprise à Spirou sur la tenue de singe. Si le concept est un peu dégueu quand on y pense (s’il est allé voir un taxidermiste, j’imagine que sa tenue est une vraie peau de singe ?!), l’idée est suffisamment loufoque pour correspondre parfaitement au caractère de notre héros blond.

Bien sûr, celle-ci amène son lot de blagues et de qui-pro-quo, comme le dialogue redonné en citation qui est pour moi le gag le plus drôle de l’album, où bien sûr Spirou qui confond Fantasio avec un vrai gorille puis un vrai gorille avec Fantasio. Si l’idée amène des situations assez variées, j’ai toujours eu le sentiment qu’on aurait pu aller plus loin dans le concept, je suis étonnement resté sur ma faim, sentiment sans doute un peu injuste tant l’histoire se montre riche en péripéties. Peut-être que celle-ci aurait mérité de s’étendre sur un album complet pour pouvoir développer plus la partie reportage animalier ? C’est après-tout pour ça qu’on a embarqué avec Spirou et Fantasio en début d’histoire.

Vacances sans intrigue

Surtout qu’à la place, on a droit à une petite pastille, qui si elle est amusante, n’est pas non plus un chef d’œuvre. Le pitch (Ibn-Mah-Zoud, magnat du pétrole richissime et terriblement mauvais conducteur confond sa turbotraction avec celle de nos héros) est assez simple et déroule ses péripéties sans aucunes surprises. Dès le début on comprend qu’il va y avoir confusion entre les deux voitures à cause du daltonisme de ce nouveau protagoniste et que cela va conduire à un accident. Alors bien sûr, ça reste assez amusant, mais le tout reste un peu trop dans l’attendu pour pleinement intéresser. ça se lit sans déplaisir mais sans passion non plus.

L’intrigue plus resserrée et racontée à échelle humaine permet de faire ressortir des moments plus quotidiens, comme le coup de fil de Seccotine à Spirou avec les commentaires de Spip qui montre bien qu’il s’agit de quelque chose d’habituel, ou encore bien sûr les relations toujours crédibles entre nos deux héros, avec Spirou qui se montre curieux du soudain regain d’activité de Fantasio. Un Fantasio qui prend la perte de la turbotraction comme une possibilité d’expérimentation, Franquin ressortant son côté un peu plus bricoleur, et laissant l’aspect râleur plutôt à Spirou. L’intermède de la Dion-Bouton est plutôt sympathique et léger, et fait montre d’une belle énergie créatrice de Fantasio, tandis que Spirou se montre plus dubitatif, dans une partition qui préfigure des interactions Gaston-Prunelle. On a l’impression de voir en germes les gags où Gaston trafique sa voiture ou ceux où Prunelle accepte pour une raison improbable de monter dedans avant de systématiquement s’en plaindre. Ainsi, le motif de la voiture trafiqué sera régulièrement réutilisé dans Gaston (j’ai en tête le gag de la voiture-lit avec Mademoiselle Jeanne, mais je suis sûr qu’en fouillant, on trouve plusieurs strips qui reprennent ce schéma). La marotte du bricolage commence à doucement titiller Franquin, qui a besoin de proposer des personnages plus créatifs.

Néanmoins toute cette histoire ne sert que de prétexte pour présenter la turbotraction 2, voiture au design « futuriste » que j’avoue, je n’affectionne pas particulièrement. Si j’aime l’idée d’un design assez différent tout en en reprenant les couleurs de base (avec un blanc plus important), le bolide est trop gros, trop « futuriste » (tel qu’imaginé dans les années 50, avec les portes qui font « woush » et un toit vitré etc) qui la rend assez kitsh et bling-bling. Franquin racontait qu’il avait imaginé la turbot 2 pour redonner un coup de neuf à la série et éviter qu’elle ne s’encroute. J’ai l’impression que comme pour le coup de colère de Spirou dans le gorille a bonne mine, Franquin constate que la série s’enferme dans une routine qui peut devenir mortifère (surtout pour un esprit libre comme lui), mais je suis cette fois beaucoup plus dubitatif sur la solution trouvée, qui consiste à embourgeoiser encore plus nos héros. Avec cette turbot 2, la série essaye d’avancer (avec un petit ravalement de façade) tout en faisant finalement du surplace. Alors qu’elle restera près de 10 ans la voiture officielle de notre duo, j’ai le sentiment que la turbot 2 aura moins marqué les esprits que son aînée (qui n’aura duré « que » 5 ans). Franquin finira par la délaisser pour une Honda S8000 beaucoup moins tape-à-l’œil.

Du talent de conteur

Si la série peine ainsi un peu à se réinventer dans ses thèmes traités ou dans son univers, on est quand-même face à un album écrit par un auteur de talent, on trouve donc graphiquement de très belles choses. Franquin est parfaitement à l’aise aussi bien dans les ambiances urbaines (Bruxelles au début du gorille, les villes de vacances et leur casino dans la seconde histoire) que sauvages (la savane d’Afrique sous la pluie, la jungle) et brosse de magnifiques planches.

A défaut d’une totale originalité, Franquin enchaîne ses péripéties d’une main de maître avec un naturel désarçonnant. Il soigne tout particulièrement ses transitions : j’ai en tête la transition entre le dialogue entre Spirou et Fantasio à Bruxelles et leur parcours sous la pluie perdus dans la savane, criant de naturel. Encore une fois, et c’est une habitude chez Franquin, les dialogues d’expositions sont des merveilles d’orfèvrerie, en évitant toute lourdeur explicative malvenue. A Bruxelles, il est clair pour le lecteur que les deux préparent une expédition en faisant le bilan de leur préparation, sans sentir le besoin de rappeler artificiellement le lieu ou le but de leur déplacement, qui est indiqué subtilement sur la portière du pick-up (une carte d’Afrique et un logo « reportage animalier »). Simple, efficace et léger. Franquin reste le maître du dialogue, ainsi que de l’humour de situation, comme le montre la méprise de Spirou concernant le gué.

Un ronronnement apaisant

Ainsi, à défaut de bouleverser l’univers du groom ou les codes de la série, Franquin écrit des intrigues bien ficelées, quoiqu’un peu simpliste concernant Vacances sans histoires, qui confortent la série dans ses habitudes. Franquin creuse doucement la veine « politique » du groom sans sombrer dans le sentencieux, ce qui est important. Un album qui s’apprécie avec un chat sur les genoux près du feu, mais qui reste sans doute un peu sage.
Pour la note j’hésite, si je pouvais je mettrais sans doute un 2.5/5 (en fait, un 12/20). Pour faire du contraste avec des albums qui pour moi méritent clairement leur 3, je vais être un peu dur et mettre un 2.
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Gaston Lagaffe
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Gaston Lagaffe »

Au sujet des deux turbos, j'ai toujours préféré la première à la deuxième. Elle m'a toujours semblé plus agréable à l'œil ne serait-ce qu'au niveau de la couleur. Le design de la deuxième fait trop prétentieuse je trouve aussi.
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Rose Blackwood
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par Rose Blackwood »

J'ai l'impression que c'est le cas de tout le monde... :turbo:
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heijingling
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Re: LE GORILLE A BONNE MINE

Message par heijingling »

Jalias a écrit :Néanmoins toute cette histoire ne sert que de prétexte pour présenter la turbotraction 2, voiture au design « futuriste » que j’avoue, je n’affectionne pas particulièrement. Si j’aime l’idée d’un design assez différent tout en en reprenant les couleurs de base (avec un blanc plus important), le bolide est trop gros, trop « futuriste » (tel qu’imaginé dans les années 50, avec les portes qui font « woush » et un toit vitré etc) qui la rend assez kitsh et bling-bling. Franquin racontait qu’il avait imaginé la turbot 2 pour redonner un coup de neuf à la série et éviter qu’elle ne s’encroute. J’ai l’impression que comme pour le coup de colère de Spirou dans le gorille a bonne mine, Franquin constate que la série s’enferme dans une routine qui peut devenir mortifère (surtout pour un esprit libre comme lui), mais je suis cette fois beaucoup plus dubitatif sur la solution trouvée, qui consiste à embourgeoiser encore plus nos héros. Avec cette turbot 2, la série essaye d’avancer (avec un petit ravalement de façade) tout en faisant finalement du surplace. Alors qu’elle restera près de 10 ans la voiture officielle de notre duo, j’ai le sentiment que la turbot 2 aura moins marqué les esprits que son aînée (qui n’aura duré « que » 5 ans). Franquin finira par la délaisser pour une Honda S8000 beaucoup moins tape-à-l’œil.
Je dois donc être l'un des seuls a avoir préféré, enfant, la Turbo 2 à la 1 :spirou:
C'est justement l'aspect futuriste qui m'enthousiasmait, la Turbo 1 était trop réaliste, et sa calandre ressemblait à un groin, alors que la Turbo 2, avec sa calandre réduite à une fente tracée d'un coup, comme le Z de Zorro, à la structure plus proche de celle d'un réacteur d'avion que d'une calandre, comme le confirment ses ailerons arrière, son toit entièrement transparent, comme une bulle, préfiguration de la Zurglomobile, ressemblait plus à un vaisseau spatial qu'à une voiture.
Et c'est certes une histoire prétexte, pour laquelle Franquin ne s'est donc pas embarrassé à imaginer une intrigue qui n'aurait été qu'artificielle, chaque nœud de l'histoire est juste une bien pratique coïncidence (rencontre avec Seccotine, avec "ce raseur de Walter, avec Gaston, et les voitures garées sur le même parking). Mais si le but de l'histoire est bien de présenter la nouvelle Turbotraction, elle expose aussi et surtout le tiraillement de Franquin entre ses deux passions mécaniques, celle du design dynamique, et celle des bricolages insensés. Et ce sont ces deux passions contradictoires qui se traduisent dans le rythme cahotique de l'histoire, fait de grandes accélérations brutalement stoppées (par les rencontres, par les feux de circulation), le point d'orgue étant l'incroyable crash de la Turbo 1, l'anéantissant alors qu'elle était enfin lançée à fond.
" Monólogo significa el mono que habla solo." Ramón Gómez de la Serna dans ses Greguerías.
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