LE GROOM DE SNIPER ALLEY

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Fantasio magazine
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Enregistré le : jeu. 26 mai 2011 14:10

Re: 54. LE GROOM DE SNIPER ALLEY

Message par Fantasio magazine »

Je donne 4, mais j'aurais préféré 4,5. Pour moi, c'est clairement le meilleur album du tandem jusqu'à maintenant. Le scénario tient la route et j'ai apprécié le retour de certains personnages, notamment Martin et Poppy Bronco. J'adore Poppy Bronco, j'espère presque qu'ils vont le tuer à chaque fois, il est vraiment drôle! Il faut aussi souligner la critique sociale très solide du scénario, par exemple la population locale qui se fait traiter comme si elle avait la peste avec les protections démesurées. Seul point négatif, Vito, un personnage que j'aime beaucoup était sous-utilisé selon moi. Vivement le prochain album!
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Geoff
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citation : Un jour, je suis né. Depuis j'improvise

Re: 54. LE GROOM DE SNIPER ALLEY

Message par Geoff »

Fantasio magazine a écrit : J'adore Poppy Bronco, j'espère presque qu'ils vont le tuer à chaque fois, il est vraiment drôle!
Lors de la séance de dédicace de Yoann a la librairie Bulle, je lui ai demandé si Poppy reviendrait. Il m'a repondu que sans doute oui car ils apprécient le personnage, mais il ne sera pas dans le 55
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Jalias
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Re: 54. LE GROOM DE SNIPER ALLEY

Message par Jalias »

Bon, je me réveille un peu après la bataille pour le classement 2015, mais ce n'est pas grave, je ne pouvais pas ne pas poster à l'approche de l'anniversaire de notre groom favori!
Le Groom de Sniper-Alley (Skatten i Alexandria)

Une remarque avant de commencer : Comme beaucoup d'entre-vous j'imagine, Le Groom de Sniper-Alley m'attendait gentiment au pied du sapin Noël dernier, et entre la traditionnelle dinde au marron et la non moins traditionnelle bûche, j'ai pu me délecter de cet album en version française et de ses très bons dialogues (pour la plupart hum). Néanmoins, celui-ci est resté gentiment chez mes parents en France, alors que je suis en Suède. Qu'à cela ne tienne, je me le suis racheté en version suédoise (car oui, mesdames et messieurs, Spirou existe aussi dans le grand Nord!). Et c'est avec cette version (et mes talents TRES TRES sommaires en suédois), que je fais cette critique (qui vous l'aurez deviné, nécessitera pas mal de réajustements une fois la version française de nouveau entre mes mains).

Du reste, pour la désormais tout aussi traditionnelle citation de début de post, plutôt que de citer de mémoire un texte français forcément approximatif, un petit jeu s'impose : qui pourra me citer la version française de ce dialogue (attention, il y a des cookies à gagner !) :
Poppy : det är som en mjuk tango med döden... ärren är kyssar... risporna är smekningar...
Spip : och dödliga skott är blöta pussar ?


Parlons de versions

Puisque j'ai en main la version suédoise, commençons par en noter les qualités et différences. En suède, c'est egmont publishing qui s'occupe d'éditer « Spirous äventyr » (on notera qu'en Suède, Fantasio pue manifestement), et il font un travail acceptable. Aucun problème de traduction (en tout cas ce me semble), et bien que la couverture soit souple et non rigide comme en France, la qualité du papier est tout à fait raisonnable. Là où le bat blesse, c'est dans la classification des albums. « Skatten i Alexandria » (soit le Trésor d'Alexandrie, mais Skatt veut aussi dire Taxe ou Impôt) est le cinquante-troisième album de la série. Et oui, un album manque en suédois ! (jeu : lequel?) Plus « grave », l'ordre des albums défie l'entendement humain. Ainsi, le premier album traduit est QRN sur Bretzelburg, puis les deux Zorglub (enfin, Zafir), puis le repaire de la murène. Bref, c'est un peu l'anarchie. Surtout quand inexplicablement, entre Paris Sous Seine (43) et L'homme qui ne voulait pas mourir (47), la trilogie Nic et Cauvin se retrouve placée pif paf pouf par hasard...

Mais bon, parlons de l'album

Car c'est pas tout ça, mais il faut peut être penser à lui rentrer dans le lard à cet album. Et je serai beaucoup moins dithyrambique que certains. Pourtant cet album me confirme une chose : Yoann et Vehlmann sont incontestablement les repreneurs qu'il faut à la série. Ils s'intègrent parfaitement à l'univers (coucou Morvan et Munuera!), ils sont drôles (coucou Nic et Cauvin !) et ils arrivent à développer leurs propres personnages. Si là tout de suite on me disait « hé, y a possibilité que Tome et Janry reprennent du service », je dirais « merci mais non merci » (pourtant j'adore Tome et Janry). De même pour Fournier (mais ça me ferait mal). Je ne voudrais pas d'autres auteurs pour la série. Mais NOM DE DIEU, voir que dans leur cinquième album, les défauts des deux auteurs sont TOUJOURS PRESENTS, voire EMPIRENT, c'est dur. Certes, ils n'ont pas eu de bol, ils ont démarré avec un album incontournable (les Géants Pétrifiés), mais ils ont quand même sérieusement du mal à transformer l'essai. Je ne m'inquiète pas encore car Tome et Janry ont eu le même problème (les trois albums suivants Virus étaient tout de même franchement plus faibles), et qu'il y a énormément de bonnes choses dans ce Groom de Sniper-Alley. Mais il y a tout de même trop de défauts pour passer au dessus. Et vu que vous avez tous bien signalés les grandes qualités de l'album, devinez de quoi je vais parler ? (pas besoin de répondre ici, il n'y a pas de cookies en jeu!^^)

Soyons complètement subjectifs

Le premier « problème » est tout à fait personnel, et concerne mon appréciation du dessin. C'est la première fois avec Yoann que j'ai un bémol concernant le trait, autant en parler. Tout d'abord, la colorisation. Soyons honnêtes, lors de la prépublication, la colorisation faisait peur tellement elle était criarde. Heureusement, il s'agissait apparemment d'un problème interne à Dupuis, et force est de reconnaître que les couleurs passent bien mieux en version album. J'aime assez les couleurs assez franches, avec des dominances de rouge/ocre, jaune ou violet en fonction des lieux. Mention spéciale aux quatre dernières cases de la page 26, qui par un changement de colorisation traduit bien la violence des explosions. Néanmoins, si la colorisation est globalement juste, il existe des errements inexplicables. Ainsi, dans la baraque (cossue) de Spirou et Fantasio (dans les tons rouges/ocres donc), la sixième case de la page 9 (je hais cette case) présente inexplicablement un fond bleu (comprendre « laid »). Rien de bien dramatique, cela dit, comme je l'ai dit la colorisation est globalement très juste, avec des couleurs franches sans être criardes. Néanmoins, les trois albums précédents de la collection principale me paraissaient plus « fins ».

Le trait de Yoann est toujours très juste qui plus est. Il maîtrise parfaitement son Spirou, et est très bon dans la représentation du mouvement (le moon walk par exemple est très bien rendu). Je n'adhère par contre pas à Fantasio dans cet album. Non pas qu'il soit raté, ce n'est pas la question. Mais j'appréciais énormément le Fantasio dégarni et plus anguleux de Alerte aux Zorkons, je suis un peu déçu de voir une Franquinisation du personnage (même si objectivement, il est tout à fait réussi). Certains décors me gênent plus, comme toute la scène du dîner à l'ambassade (j'ai du mal à l'expliquer, mais je trouve que ça manque de finition), mais d'autres sont très riches (comme le bureau de Champignac, une réussite). Dans la Face cachée du Z, je saluais la capacité de Yoann de faire cohabiter des personnages aux traits vifs (Spirou, Fantasio) avec d'autres aux traits plus « mous » (Bronco), c'est moins réussi ici. J'ai parfois l'impression que l'album a été fini dans l'urgence, ce qui se ressent dans quelques rares cases. Par exemple, deuxième case de la page 19, où Spirou a une tête bien trop grande pour son corps, mais surtout la « fameuse » sixième case de la page 9, qui ressemble à une case des Femmes en blanc (ce n'est PAS un compliment!).

Bref, en conclusion sur l'aspect dessin, je note un léger manque de finition, une variation du trait par rapport aux débuts (ce qui n'est pas un mal, c'est juste que moi personnellement je le regrette), et un changement de colorisation qui nécessite quelques ajustements mineurs (qui seront fait dès l'album suivant je n'en ai aucun doute).

La narration, un fourre-tout un peu lourd

Si je devais comparer cet album a un précédent, ça serait au diptyque « La Frousse aux Trousses/La Vallée des Bannis », en effet, cet album ne contient pas une mais bien deux histoires distinctes, avec une coupure très nette au milieu.

Une coupure très nette, symbolisée par l'ellipse très maladroite de la page 27. Un peu de contexte : dans la page 26, le conservateur du musée s'enfuit avec la tablette. En page 27, Spirou et Fantasio sont en possession de ladite tablette et téléphonent à Champignac pour préparer l'exploration du labyrinthe. Euh, pardon ? Que quoi ??

Cette ellipse m'a posé problème : lors de la prépublication (j'avais cru avoir sauté une semaine/une case/quelque chose), lors de la lecture de l'album français (j'ai cru un instant qu'il manquait une page), et de nouveau lors de la lecture en suédois ! Il y a un réel problème. Non pas avec la résolution de l'intrigue de la tablette (très bien trouvée, et résumée en une case), mais bien parce que la transition est bien trop abrupte. Qu'est-ce qui empêchait Yoann et Vehlmann de mettre un encart avec une phrase du type « 2 jours plus tard » ou quoi que ce soit ? Il y a eu une coupure dans la narration, la moindre des choses est de reconnaître cette coupure et de l'indiquer au lecteur. Sans cet encart explicatif, la résolution apparaît pour ce qu'elle est, tout à fait artificielle, et expédiée.

Et c'est assez révélateur de ce que je reproche à cet album : de quasiment systématiquement expédier les résolutions, minimiser les difficultés, et oublier les enjeux.

C'est tout à l'honneur de Vehlmann de vouloir proposer une intrigue dense, et notamment d'utiliser une histoire légère (la découverte d'un trésor) pour parler de thèmes plus lourds (la réalité des pays en guerre). Mais pourquoi avoir décidé de compartimenter à ce point ces deux thèmes, au point qu'on a réellement deux albums dans l'album ? De la page 1 à la page 26, on a donc Spirou et Fantasio qui découvrent la réalité de la guerre dans l'Answana, et de la page 27 à 48, on a la chasse au trésor. Deux intrigues bien distinctes donc, et complètement compartimentées (le seul liant étant la tablette). C'est pour ça que je dis que cet album me fait penser à la Frousse aux Trousse/la Vallée des Bannis. Dans le diptyque aussi on a deux histoires reliées par un fin fil rouge (retrouver les explorateurs et la Vallée). Sauf qu'ici, Vehlmann condense ses deux intrigues dans un album, et PIRE les deux auteurs s'imposent le format absurde des 46 planches. En étant aussi comprimées, aucune des deux parties ne présentent un résultat satisfaisant.

Spirou et la guerre, l'indignation comme non-résolution

Ainsi, le début de l'album propose une thématique très sérieuse. Bien sûr, cela n'empêche pas notre duo de proposer de généreuses rasades d'humour, comme la mort du dictateur answanais, dégommé lors d'une pause pipi. Néanmoins, il faut reconnaître que le ton se veut globalement réaliste, et parfois sentencieux. La faute à des dialogues explicatifs d'une lourdeur assez formidable en page 5 (sérieusement, vous vous plaignez encore des encarts de Spirou à Tokyo après ça?), qui ont l'avantage de mettre rapidement le lecteur au courant de la complexité de la situation. Spirou s'indigne du traitement par les journalistes de la guerre en Answana... et c'est tout. Même face à la réalité du conflit answanais, si Spirou s'implique, c'est d'abord et uniquement pour pouvoir mettre la main sur la tablette, et à terme le trésor. Probable que si Vito n'était pas passé par là, Spirou et Fantasio se seraient bien indignés face à leur canard, puis auraient bien bouffé et seraient allé se faire un ciné.

On a donc affaire au problème du « héros Facebook ». Le héros Facebook, c'est la personne qui sur Facebook ou tout autre réseau social va s'indigner pour tout et tout le temps, va signer des pétitions à tire-larigot, va pourrir vos posts à coup de « mais comment tu peux parler du dernier twillight quand des chatons meurent tous les jours ?? », puis une fois qu'il se sera bien indigné et qu'il aura bien montré que c'est quelqu'un de bien, va aller voir le dernier twillight la conscience tranquille. Bref, c'est quelqu'un qui fait beaucoup de bruit pour rien. Le problème, c'est qu'aux dernières nouvelles Spirou est un vrai héros et pas un héros au rabais. Donc, voir un album de Spirou se comporter comme un post Facebook, C'EST un problème.

En effet, au niveau des bons points, on a tout le traitement de la vie en Answana, très drôle, mais aussi fouillé et plus fin qu'il n'y paraît. Par exemple, si les militaires sont toujours gentiment moqués, ils gardent quand même l'image de braves types un peu oubliés par leur pays (ce qui n'est pas complètement faux). L’ambiguïté de la dictature (oppressive bien sûr, mais aussi parfois source de modernisation) est également un bon point. Bref, en terme d'univers et d'ambiance, l'album fait un sans-faute, et se veut en plus très actuel.

Le problème c'est que l'album ne fait rien pour capitaliser sur cet univers. Pire, une fois que les besoins narratifs se font sentir, l'album n'hésite pas à évacuer purement et simplement ce pan entier de l'histoire, devenu encombrant. A part le berger au tank, plus rien dans l'intrigue ne fait référence à l'actualité en Answana, et pire l'expérience vécue par nos héros n'a aucune incidence sur leur comportement une fois de retour au pays. L'album oublie carrément de donner une conclusion naturelle a son intrigue la plus importante, qui du coup devient un vague travail d'ambiance !

Attention hein. Bien entendu, la non-résolution peut être une résolution satisfaisante. Il aurait été tout à fait improbable que Spirou et Fantasio résolvent tous les problèmes connus par l'Answana, surtout quand l'album indique indirectement que la paix viendra surtout par la population locale. Néanmoins, que Spirou et Fantasio ne fassent RIEN n'est pas acceptable (ce sont des héros, encore une fois).

Surtout qu'il n'aurait pas fallu grand chose pour rendre cette intrigue parfaitement satisfaisante. Aux dernières nouvelles, Fantasio est toujours journaliste. Il aurait très bien pu proposer un article qui montrerait au monde le véritable visage de la « paix » en Answana (pas besoin de le voir au travail, une phrase avant la rencontre avec tonton cortizone disant qu'il est pressé de régler ça pour publier son article et c'était réglé). Alors, oui, le coup du journaliste c'est facile, mais ça aurait été mieux que rien, et ça aurait fait miroir à l'article lu par Spirou au début (et ça aurait fait se questionner le lecteur sur le rôle et l'importance des journalistes). Ça ou autre chose, en tout cas il me paraît évident qu'il aurait fallu un retour sur cette histoire en fin d'album.

Remarquons que l'aspect feuilletonnant de la série peut permettre aux auteurs de rectifier le tir (s'ils en ont envie) en début d'album suivant, par exemple en faisant référence à un article, une conférence, un rendez-vous à l'ONU ou que sais-je encore à propos de la vie en Answana. Mais en l'état, toute la bonne volonté de Vehlmann de proposer une intrigue non manichéenne se dégonfle, car les héros y restent purement spectateurs (c'est comme-ci dans Kodo le Tyran/Des haricots partout, nos héros disaient « ohlàlà, la vie est difficile au çatung »... puis se cassent).

Le Labyrinthe de tous les dangers... ah en fait non !

Pour contrebalancer le sérieux de la première partie, la seconde se focalise sur la chasse au trésor dans le labyrinthe, avec tous les outils narratifs classiques de ce type d'intrigue : le comic-relief fana d'exploration (Martin), le militaire (Poppy), le vilain (Vito), la tablette à décoder, l'entrée du labyrinthe, les épreuves, et le dernier retournement de situation. Vehlmann connaît tous les codes, et s'amuse à jouer avec.

Sa plus grande réussite : la gestion des personnages. S'il y a beaucoup d'anciens personnages (Vito, Martin, Poppy, les scientifiques, Gaston!), ceux-ci sont très bien employés et apportent beaucoup à l'univers de l'album et de la série (mention à Vito et Poppy, les deux belles surprises de l'album). Par exemple, la référence à Gaston, que je n'avais pas vu venir, est très bien trouvée car elle reste discrète, elle est cohérente dans l'univers de la série, et elle évite le fan service pur et dur. De plus, les nouvelles têtes (tonton Cortizone) et les trognes de l'album (le Caporal Michel, les Answanais etc), sont très réussis et s'intègrent parfaitement au ton de la série.

Le souci que j'ai avec cette partie, c'est sa faculté à désamorcer toutes les difficultés, éviter toutes les embûches, ce qui empêche l'implication du lecteur. Je l'ai dit, Vehlmann connaît tous les codes du genre « chasse au trésor » et les place tous. Le problème ? Il n'a pas le temps de les traiter, donc il passe sur la plupart sans laisser le temps à l'intrigue de gonfler les enjeux. Des exemples ?

Prenons la tablette. C'est une partie importante d'une intrigue de chasse au trésor, le moment où l'équipe, grâce à un artefact, parvient à localiser le lieu du trésor. Le moment où les pièces du puzzle commencent à se mettre en place est un moment excitant pour le lecteur/spectateur. C'est souvent dans ces moments qu'une phrase sibylline entendue au début de l'histoire fait sens, et le lecteur essaye de décoder l'artefact avec les héros, ou tout du moins est impressionné par les déductions. Or ici, non seulement la tablette est récupérée hors-cases, mais son décodage est aussi fait hors-cases ! La tablette passe d'une énigme stimulante pour le lecteur a un bête passage obligé d'une intrigue de ce genre. Donc l'effet de la découverte de la tablette retombe comme un soufflé.

J'ai pris la tablette comme exemple, mais c'est pareil pour tout. L'entrée du labyrinthe, dure à trouver ? Un coup de Poppy et paf, c'est réglé. Les pièges ? Ceux-ci sont résumés en une planche... Certes, à chaque fois Vehlmann fait preuve d'humour pour retourner la situation, oui c'est excellemment drôle, mais l'accumulation de tous ces événements font qu'il y a un réel manque d'implication dans cette intrigue. J'insiste dessus : prise séparément, les résolutions proposées sont satisfaisantes et drôles, mais c'est l'accumulation de ces ficelles qui est pénible. Quel était le but de nous parler d'une chasse au trésor si l'intrigue ne s'investit pas (ou si peu) dans la chasse au trésor ?

Et là, on a le comble du paradoxe : l'intrigue ne s'investit pas dans la chasse au trésor car cette partie n'est qu'un but, qu'un outil narratif pour confronter Spirou à la situation en Answana. Et dans le même temps, l'album ne va pas au bout de son propos sur l'Answana car il a besoin de légèreté et doit développer la chasse au trésor ! Sic !

Le 46 planches, un format castrateur ?

Au final, et quitte a simplifier, le plus grand tort de Yoann et Vehlmann est de vouloir à tout prix se conformer aux 46 planches. Une bonne fois pour toute, NON ce format n'a pas a être respecté, il empêche soit le développement d'une intrigue dense (Alerte aux Zorkons, La face cachée du Z), soit il impose des raccourcis et il force à charcuter l'intrigue (Dans les griffes de la Vipère, le Groom de Sniper-Alley). Sur les cinq albums du duo, le seul a proposer une narration structurellement sans faute est le seul à ne pas respecter ce bête format. Yoann et Vehlmann ne sont tout simplement pas bons (ou parfaits) dans ce format. Il y a un moment il faut peut être s'en rendre compte.

Ici, c'est ce besoin maladif de ce conformer aux 46 planches qui explique tous les déséquilibres de l'album. Mais en partie uniquement. Si ces 46 planches sont si importantes pour Vehlmann, il y avait d'autres moyens de respecter l'intrigue sans la comprimer. Soit, le duo étale cette histoire sur deux albums (ce qu'auraient probablement fait Tome & Janry), soit ils déséquilibrent les deux intrigues en une intrigue principale et une intrigue secondaire pour tout faire tenir sur un album de 46 planches. Mais avoir deux histoires d'égale importance dans UN album de 46 planches... bah ça marche pas !

L'humour comme solution

En me lisant, on se dit peut être que l'album est une grosse daube qui ne mérite même pas qu'on s'y attarde. Je vous rassure, bien sûr que non. Parce que tous les déséquilibres du monde n'enlèvent pas l'intelligence de la narration, le choix du propos, la vivacité du rythme, la fulgurance de la mise en scène. Il y a par exemple beaucoup à dire sur la scène qui donne son nom à l'album, sorte de moment à part dans le récit.

Mais surtout, c'est un album profondément drôle auquel on a encore une fois droit. L'humour est bien entendu salvateur, il enjolive habilement tous les raccourcis de l'histoire, il donne du cœur à cet univers et un plaisir de lecture indéniable. Il est assez représentatif de l'esprit Spirou et on pardonne beaucoup de facilités grâce à cet humour ravageur.

Quand on referme l'album, on a donc passé un (très) bon moment. Malheureusement, il me semble qu'une fois la lecture achevée, si on retient un moment, une séquence mémorable, c'est bien la conclusion, forcément renversante. Or, l'intrigue sur la guerre en Answana en soit méritait plus que de servir de teasing pour le retour du Marsupilami.

Pour toutes ces raisons, et parce que je pense que notre duo peut vraiment faire des albums parfaits (ils l'ont prouvé déjà), c'est un 3/5 pour moi.
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