Spirou 51 : Alerte aux Zorkons (Yoann & Velhlmann)

[spirarth]

Très chouettes dédicaces du Z.

[Yoda]

Yoann peut faire de très belles dédicaces ...

[jean-pierre]

[DESPERA]

Il est encore plus cool qu'en 3D.

[Maxibon]

je confirme, en un peu plus grande ce serait bien mais bon, ...

[Rose Blackwood]

Et revoilà un bon album, ça fait du bien! Je serai franche, ce type de dessin peut-être celui que j’ai le moins apprécié de toute la série, encore que Yoann avait fait beaucoup de progrès déjà depuis l'époque des Géants pétrifiés. Et ça s'améliore encore dans Supergroom. C'est bien qu'il aie essayé un peu d'imiter le style Franquin dans la série principale.

Je veux dire, regardez: on est partis de ce qui ressemblait au travail de l'illustrateur de Gorillaz dans Les Géants pétrifiés :



et ensuite ça ressemble à ça:




Malgré tout ça reste moins charmant que les deux dessinateurs précédents. Par contre, niveau scénario, rien à dire, on s'éclate comme à la grande époque et c'est tout ce qu'on demande. Lesdits scénarios sont parmi ceux que je considère comme les plus aboutis, et pourtant Dieu sait si ce run partait mal, vu le champ de bataille laissé à ces nouveaux auteurs. Ça peut être pénalisant de rater son épisode d'introduction (suivez mon regard vers M&M), on ne vous le pardonnera jamais.




Je me mets à la place de Y&V: vous voulez reprendre Spirou&Fantasio, et ce qu'on vous donne, c'est une série où Spirou a disparu, remplacé par une jeune version qui ne sait rien de ce qui lui est arrivé. Oui, je sais,



Ce n'est pas vraiment pour ça que vous aviez signé! Vous auriez raison, donc merci d’ignorer ce qui s'est passé, c'était un peu la moindre des choses, et c'est tant mieux parce que c'est ce qu'on attendait aussi: oublier au plus vite le non sens intégral de ce qui venait de se produire. Après, bien sûr, pour quelqu'un qui lit dans son ensemble c'est un peu déroutant. Pas pour le lecteur occasionnel, mais pour celui qui avait lu Aux sources du Z, oui. Il y avait de quoi démarrer la lecture avec la boule au ventre, se demandant si réellement, on se trouvait dans un présent où rien, de ce qu'on avait lu n’était jamais arrivé depuis 4 histoires. Et si Spirou était ignorant de tout ce qui s'était produit aussi?

Et puis là-dessus, il commence à y avoir des petits indices rassurants. Le fait que Zorglub et Champignac ne sont plus copains comme cochons, et surtout que le premier utilise à nouveau sa zorglonde hypnotisante (celle qui perturbe la perception, pas vue depuis longtemps), alors qu'il était censé ne pas l'avoir inventée. Le fait que Spirou et Fantasio connaissent bien le comte, apparemment que Spirou n'est pas dérouté par l'utilisation des téléphones portables, ou encore que tout simplement le journal s'appelle toujours comme lui, parce qu’une disparition de plusieurs décennies pour une mascotte, moi à la place des rédacteurs, je l'aurais abandonnée, je pense! Or un soldat affirme que son unité est abonnée depuis 1953, et que donc il a toujours connu le journal comme ça. Après on pourrait dire, peut-être que le jeune Spirou s’est adapté très vite, et que Fantasio et lui ont été présentés au comte, depuis… ça aurait pu. Et là, c'est vraiment le coup du génie pour Y&V: ils ont décidé de lâcher une petite phrase pour nous faire comprendre que oui, il y avait bien eu un retour en arrière et donc un retour à la normale. Le fameux Miss Flanner mentionnée, Spirou qui répond “Qui ça?”, et Fantasio que c'était dans un autre espace-temps… Ouf! On a bien affaire à ceux qu'on connaît. S'il y avait encore un doute, il n'y en a plus depuis La colère du Marsupilami, puisque le Spirou auquel nous avons affaire est bien celui qui était présent à l'époque du Faiseur d'or, et dont l'esprit était conditionné par une zorglonde pour lui faire oublier le Marsupilami. S'il avait été le jeune, ce conditionnement n'aurait pas existé. On peut s'interroger quant au fait que les auteurs auraient pu nous faire tout un album pour nous expliquer ce retour en arrière, ou même un récit court. Mais non. On s'est fichu de nous avec le précédent album à la fin révoltante? Et bien on se fichera d’eux de la même manière. Tant mieux, parce que ça aurait pu faire un album de début de run assez bizarre, malgré tout. Donc: pourquoi s'embêter avec ça? Ca veut dire aussi que nous sommes dans un présent où les événements de Paris sous-Seine et Aux sources du Z n'ont jamais eu lieu, et n'existent plus que dans la mémoire de Fantasio. Mais la perte est-elle si grande? J'ai entendu dire qu'il existait un dessin (de la galerie des illustres) expliquant tout de même comment ils avaient pu s'y retrouver là, renvoyant Fantasio dans le temps. Je ne l'ai jamais vu, ni trouvé, donc si quelqu'un sait où il se trouve?

Il y a aussi ces récits courts publiés par Y&V, avant qu'ils ne reprennent officiellement la série, en les envoyant voyager dans le temps (La chevauchée temporelle), mais aussi l’histoire Back to the rédak. Eh oui, “mon ami, mon frère, mon poteau tu me tiens chaud”… On sent le soulagement. Et cette académie en quête du nouveau Spirou…Clin d'œil à tout ça?
Dommage que dans l'album, ils aient fait sauter l'intro. On y voit la décision de partir dans une caravane publicitaire, ou comment Spirou en était venu à se retrouver dans son ancien uniforme. Indice aussi qu’il n’est pas “le jeune”. Ce dernier n'aurait pas râlé, parce qu'il portait encore ça la veille. Là, on a bien affaire à celui qui avait laissé tomber l’uniforme au complet depuis quelques années déjà.

Qu'en est-il de l'histoire à proprement parler? Purée c'est juste génial, et pas seulement parce qu'on est soulagé de tout avoir retrouvé comme c'était avant. Mais ça doit y contribuer. Déjà il y a ce clin d'œil mythologique que j'apprécie. A savoir trouver une astuce (maintenant on est obligé de justifier pourquoi mais peu importe) pour remettre assez souvent Spirou dans l'uniforme, même si ce n'est plus réaliste étant donné son métier actuel. Mais c’est la mythologie, alors quitte à expliquer que c'est pour des raisons contractuelles, et bien tant pis, il sera dedans. Spirou est encore assez colérique (et cela lui arrivait déjà avant, non?) mais heureusement moins violent et impulsif que dans le précédent run. Je pense donc c'est normal, si depuis on ne l’a pas revu frapper de vieilles femmes, ou embrasser de force des jeunes. Mais tout de même, il ne faut pas s'y frotter. Et j'étais vraiment pliée en quatre au moment de son discours remontant les bretelles, à la fois au comte et à Zorglub, qui faisait conclure le premier quant au fait qu'il ” a du tempérament”. C'est ce qu'on dit des rouquins, d'ailleurs? Donc ceux qui viendront encore sortir après qu'il n'a pas de personnalité…

Cette idée de l'évolution brutale qui transforme un lieu familier en jungle, du génie aussi déjà. Ca faisait longtemps déjà qu'on avait pas revu Champignac-en-Cambrousse, et ça fait du bien, mais ce n'est pas tout. Pas besoin d’aller bien loin quand on se retrouve effectivement dans un de ces environnements où tout essaye de vous tuer (cf La vallée des bannis). Spip se réjouissait de trouver des noisettes géantes dans Le prisonnier du Bouddha, grâce au GAG. Ici, la même chose se retourne contre lui. Heureusement aussi qu'on est dans un de ces runs où il a la parole. Lui aussi m'a pliée quand il a sa réaction de drama king: “Comment reprendre ma vie d'écureuil après ça !?” . Et aussi quand il proteste quant au fait qu'il n'est ni un écureuil volant ni un hamster. Hilarant également, l'effet du “tord-boyaux” artisanal du Père Raymond, tant à l’ingestion qu’à l’effet que ça a une fois que ça enivre.




Pas mal non plus cette idée de faire provoquer la catastrophe du jour par Zorglub, qui n'a pas fait exprès, donc. Non, il n'est toujours pas vraiment méchant, mais quand même, c'est de sa faute. On sentait bien que ça démangeait Yoann et Vehlmann de refaire de lui un antagoniste à proprement parler. Et ils n'étaient pas les premiers à avoir eu l'idée: souvenez-vous Zorglub à Cuba…Bon là, même sans le faire exprès, j'avoue que le résultat est spectaculaire. Bonne idée aussi que de s'appuyer sur la continuité et d'avoir ramené momentanément le dinosaure du Voyageur du Mésozoïque. Et oui, pour une fois qu’on croise des femmes, personne ne cherche à les draguer (bon, ce n’est ni le lieu ni le moment, et comme on l’apprendra plus tard, il y aurait eu incompatibilité d’orientation sexuelle). S’il ne se montre pas encore hyper compétent (cf sa cabane pas convaincante), Fantasio a laissé derrière lui les vastes boulettes et maladresses des précédents runs aussi (bien que ce soit à ça qu’on le reconnaît)? L’habitude du stinger était bien vue aussi. C'est-à dire, comme la fin des films Marvel, un avant-goût de ce qui va suivre. Bonne idée dans la mesure où ça donne envie de lire la suite. Ça prouve aussi qu’il n’y avait pas d’improvisation: le scénariste savait exactement où il allait. Le revers de la médaille étant qu’un jour, le stinger n’a abouti sur rien.

Bref pour un bon début c'était un bon début, propre à nous rassurer. J’ai trouvé que ce scénario était le plus “franquinien” depuis près de dix ans (ouf! Déjà).