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Le BUG de l'an 1900

Posté : mer. 17 mai 2006 18:15
par Juho
Pour fêter l'entrée dans le nouveau millénaire, Spirou invente... le bug de l'an 1900!

Cet article est initialement paru dans Bodoi N. HS 12 de decembre 2004 (ci-dessous).

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"Rappelez-vous, déclare Thierry Tinlot, le redac'chef de l'époque, : on nous a gonflés pendant des années avec ce fameux bug. Les ordinateurs allaient disjoncter et repasser en 1900, la planète allait exploser, bref ça promettait.

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Nous avons décidé de jouer le jeu et de proposer un numéro qui aurait reculé d'un siècle. À la base de ce genre de travail, il y a toujours une réflexion artistique, des lectures, une influence. Ici, on est parti de l'Art Nouveau mais surtout des travaux d'Albert Robida, un illustrateur «futuriste» qui a enchanté ses lecteurs à la fin du XIXe siècle. Une sorte de Jules Verne graphique qui, par exemple, préfigura la télévision en imaginant en 1893 le «téléphonoscope», un écran mural plat qui diffuse, en images, les dernières informations, à toute heure du jour et de la nuit! Un préCNN , en quelque sorte. Le scénariste JeanLouis Janssens a beaucoup déliré sur ce concept de «futur dans le passé», notamment illustré par Schuiten ou Bodart. Dans ce Spirou daté de 1900, Les Aliénistes remplaçaient Les Psy, Les Échotiers préfiguraient Les Paparazzi, et Monsieur le Directeur de la rédaction (Le Boss) revenait du Salon de l'Estampe d'Angoulême et se plaignait de l'arrivée massive d'un nouveau type de produit pour la jeunesse: les estampes japonaises ! Cet échange de courrier avec un petit lecteur nous mit particulièrement en joie:
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"Monsieur,

Un ami belge m'a fait parvenir votre revue d'estampes modernes, et je suis plus qu'enthousiasmé. Je suis épris de cette nouvelle forme artistique, et j'aimerais savoir s'il y a des écoles pour faire de l'estampe. Pouvez-vous me dire combien sont payées les estampes ainsi que les dédicaces ? Comme je dessine déjà un peu moi-même, je joins ces quelques dessins sur lesquels vous voudrez bien porter un jugement. Votre dévoué,

Pablo Picasso, Barcelone"




"Cher Pablo,

Sachez que l'estampe est très peu payée mais qu'elle peut prendre de la valeur suivant le talent de l'artiste. Les dessins que vous nous avez fait parvenir montrent un grave manque de connaissance de l'anatomie . les nez sont trop longs et de travers, les bouches et les yeux ne sont pas à leur place. Quant aux mains, on dirait des saucisses de Francfort trop cuites. Soyons francs, nous avons rarement vu aussi peu de dispositions pour le dessin.

La rédaction"



Les dessins d'humour étaient inspirés de Toulouse-Lautrec ou Gus Bofa, on mettait le lecteur en garde contre le BUG (le Boulier Usagé Grippé) de l'an 1900, la Machine à rire du docteur Cauvin s'y vendait comme des petits pains et Henri Matisse reprenait Spirou et Fantasio. Et, bien évidemment, les textes étaient imprimés sous les cases, comme dans Bécassine. Ce numéro, imprimé sur papier jauni, est l'un de nos préférés. Il illustre bien, à notre avis, la liberté que Dupuis a toujours laissée à la rédaction de Spirou, liberté qui fut largement utilisée depuis la création du journal."

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(déclarations de Thierry Tinlot pour Bodoi HS N12)