Les Rencontres Chaland à Nérac

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Mr Coyote
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Les Rencontres Chaland à Nérac

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ImageC?est comme une réunion de famille, d?une famille qui ne cesserait de s?élargir d?année en année, en mémoire d?un cher disparu, mais c?est une fête et elle est tout sauf triste. Les Rencontres de Nérac, lancées en 2008 par Isabelle Beaumenay-Joannet, la veuve d?Yves Chaland, disparu dix-sept ans plus tôt, ont fait mieux qu?entretenir la flamme du souvenir. Tout en rappelant, chaque automne, la place éminente du dessinateur dans la bande dessinée au tournant des années 80, cette manifestation a rapidement fédéré la fine fleur des dessinateurs à travers expos, rencontres, tables rondes et même concerts (car, on ne le sait pas assez, la BD française compte aussi des musiciens émérites quoiqu?amateurs?). Et autour d?un invité d?honneur, en 2011, Zep, le papa de Titeuf.

ImageA Nérac (6 885 habitants), près d?Agen, on a donc célébré Yves Chaland qui est aussi un enfant du pays : il y a passé son enfance, et fait ses premiers pas créatifs en illustrant le journal de l?école via, notamment, une BD en occitan. Ce qui suit tient en une trajectoire fulgurante. Repéré dans son fanzine (Unité de valeur) par Jean-Pierre Dionnet, fondateur et rédacteur en chef de Métal hurlant, Chaland publie sa première planche dans ce mensuel-phare, en 1978, à 21 ans. Il meurt à la suite d?un accident de la route à 33 ans. En douze ans, pas plus, son ?uvre, prolifique, brillante, est passée à la postérité comme LA référence de la « Nouvelle Ligne Claire », appellation non-contrôlée sous laquelle on a rangé, dans les années 80 des auteurs aussi différents que Joost Swarte, Serge Clerc, Ted Benoît ou Floc?h, mais qui avaient en commun de pratiquer, très librement, le culte du trait hergéen. En peu de temps, Yves Chaland va faire sa mue. Depuis toujours passionné par les classiques de la BD franco-belge, il en fait d?abord des pastiches nostalgico-rigolos façon années 50 avant d'en démonter la pesante « bien-pensance », dans une mise en pièces enjouée, très fine et on ne peut plus décapante. La virtuosité tient d?une espèce de grâce graphique, faite de souplesse et de précision, qui mime la légèreté mais insinue les stridences d?une ironie électrisante. Janvier 1982 sera un moment-clé.

Apparaît alors dans Métal hurlant, un nouveau héros, Le Jeune Albert. Deux strips, six cases, en bas de la troisième de couverture, cela peut ressembler à un bouche-trou. S?imposent pourtant, aussitôt, et avec éclat, un exceptionnel sens du raccourci narratif et une mini-comédie humaine qui, à chaque épisode, s?y joue, sur le mode sarcastique et jubilatoire.

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Au premier regard, le gamin des Marolles (un quartier populaire de Bruxelles) ressemble à ces gamins gentiment délurés qui peuplaient après-guerre les BD « pour la jeunesse ». Sauf que, lui, rien ne le retient d?exprimer ses plus mauvais penchants. Dans sa préface à la réédition des quelque soixante-dix (demi-) planches du Jeune Albert (Les Humanoïdes associés, 1995), Jean-Luc Fromental, qui a assisté en direct à la naissance puis au triomphe de ce personnage « hargneux, cruel, raisonneur lucide et belge », écrit : « La méchanceté, la lâcheté, la veulerie, la trahison, mais aussi la quête désespérée de l?amour et l?exercice d?un héroïsme ordinaire sont quelques-uns des grains de sable qui donnent à la créature humaine sa grandeur et autour desquels s?est cristallisée cette rivière de perles, ce joyau sombre, unique dans l?histoire de la bande dessinée. »

On ne saurait mieux dire pourquoi, près de trente ans plus tard, Le Jeune Albert est devenu l?icône chalandienne par excellence. C?est aussi lui qui est à la fête, omniprésent, pendant ces deux jours ailleurs.
Un article de Jean-Claude Loiseau pour Télérama.fr

Les Rencontres Chaland se sont tenues à Nérac les 8 et 9 octobre 2011.
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