Vous vous souvenez probablement qu’en 2013, nous avions essayé de vous faire rêver en vous emmenant sur les plages de Spirou. Cette année, nous tenterons de vous faire oublier la grisaille, ainsi que l’élimination des Bleus et des Diables rouges en vous proposant l’exotisme de l’Afrique (N.B. nous avions choisi l’Afrique avant l’élimination de votre équipe favorite mais avouez que cela tombe à point nommé).
Spirou en Afrique, ce sera l’occasion de voir de beaux paysages de toutes sortes, mais aussi et surtout de comprendre comment la vision de l’Afrique a évolué dans la tête des auteurs successifs de Spirou, à commencer par Franquin.
Le maître est celui qui aura le plus envoyé Spirou de l’autre côté de la Méditerranée, dans 5 aventures différentes, qui permettront de voir que si la vision du continent noir a évolué d’auteur en auteur, elle a aussi évolué dans la tête d’un auteur seul.
Cette semaine, nous verrons donc quelle vision Franquin avait de l’Afrique lorsqu’il a dessiné sa première grande aventure : L’Héritage.
Franquin ©Dupuis
Dans cette aventure, on part d’une intrigue des plus classiques, puisque Spirou part en Afrique pour y chercher un trésor dont il a hérité. Le thème d’une chasse au trésor en Afrique était tout à fait dans l’air du temps bien qu’il semble un peu désuet aujourd’hui.
Le premier contact du Spirou de Franquin avec l’Afrique se fait dans une ville appelée Mababi. Elle n’est pas localisée précisément mais on peut raisonnablement penser qu’elle se situe au Congo belge. On ne voit pas trop d’images de cette ville, mais on y rencontre M.Wellwell, un blanc qui habite là et qui connait bien le pays. Ce personnage de vieux colonial se retrouvera fréquemment dans Spirou & Fantasio.
Franquin ©Dupuis
Franquin n’évite pas les clichés sur l’Afrique mais la fantaisie et l’humour dont il fait preuve font qu’il n’y a pas de lourdeurs. A ce titre, la douce ironie dont il fait preuve au sujet du pont est un délice.
Franquin ©Dupuis
L’Afrique vue par un auteur de l’époque, c’est aussi la faune : en plus des crocodiles que l’on vient de voir, Spirou a affaire (plus ou moins à son insu) à un lion et à des panthères. Des éléphants apprivoisés sont également présents, ainsi que des singes et surtout Apollon, le gorille dressé de M.Wellwell.
Franquin ©Dupuis
Encore une fois, on n’évite pas les clichés (ici donc, l’Afrique pleine d’animaux sauvages) mais dans ce cadre, la fantaisie garde son importance.
Evidemment, dans une BD de 1946, les clichés sur les noirs sont légion. Ici, on a par exemple un commerçant anthropophage…
Franquin ©Dupuis
…et une incontournable tribu de sauvages
Franquin ©Dupuis
On est ici dans une vision de cette tribu assez double, puisqu’à côté d’un humour assez surprenant au sujet de ces sauvages,
Franquin ©Dupuis
on trouve le sorcier Mahutu, vieil ami de l’oncle de Spirou et qui semble bien être son égal.
Franquin ©Dupuis
La partie africaine de l’Héritage, c’est donc à la fois une vision de l’Afrique conforme aux clichés de l’époque, mais c’est aussi une bonne dose de fantaisie, d’humour et parfois d’ironie. Franquin n’était certes pas émancipé de l’esprit colonialiste de l’époque, ni même ne le critiquait, mais il n’en rajoutait pas, ce qui fait que si la vision de l’Afrique de cette histoire est un peu poussiéreuse, les péripéties que Spirou et Fantasio y vivent ne le sont pas.