Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

L'actualité du journal qui va avec la série

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heijingling
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

numéro 4541 du 23

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/manoir-a-louer/

Sont-ce le fond violet de la couverture et sa vampire élégante, comme celle de Sang de vampire, le premier album de Fabrice Parme, qui a beaucoup travaillé avec Lewis Trondheim, le scénariste de cette nouvelle série, ou son nom, Manoir à louer, qui fait penser au film de René Clair Fantôme à vendre, toujours est-il que l'on s’attend bien à une série où l’ambiance gothique est prétexte au comique, dans la lignée de La famille Adams de Chas Adams (qui a lancé l’image de la vampire copurchic). Sauf que les auteurs semblent avoir ajouté un thème, ou plutôt une contrainte, à la trame de la famille normale débarquant dans un lieu étrange (ici un manoir tenu par une vampire), celui de parler du journal de Spirou à chaque page, ce qui pourrait totalement inverser la perspective, au propre comme au figuré (cf. la couverture) de cette série de gags en une page, comme dans le troisième gag où la vampire ne comprend pas ce qu’est une BD (elle appelle les cases « petit tableau », ce qui se justifie par son environnement), mais pour l’instant, dans ces quatre premiers gags, cela semble surtout un prétexte à montrer une image d’un marsupilami dans un manoir gothique. Le dessin de Juanungo, un encrage charbonneux sur base caricaturale, se situe dans la prestigieuse lignée de Gus Bofa, toutefois, comme le précise le dessinateur argentin dans Bienvenue dans mon atelier, son style n’est de base pas « européen » (par exemple, le visage du père de famille aux front et menton proéminents, n’a rien de franco-belge). Le violet de la couverture se retrouve dans la rue devant le manoir : les couleurs particulières, faites par Juanungo, contribuent à l’ambiance horrifique comique de l’ensemble. Et comme le violet est souvent associé à l’horreur, version gothique, il se retrouve dans le gag de Kid Paddle, de Midam et Patelin, couleurs d’Angèle, qui connaît ses classiques, aussi bien sur les murs du cinéma que dans la brume artificielle utilisée pour la promotion du film Zombies dans la brume. Violet aussi bien sûr pour les velours des fauteuils et les armures décorant les Jeux de Frédéric Antoine et Yohann Morin, intitulés Le manoir des abonnés perdus, pour les couleurs de plusieurs vêtements et monstres réalisées par Esteban dans Pernille, de Dav et Cyril Trichet, il est encore la couleur des murs peints, de la brume fantômatique, des cristaux de roche géants et du tapis menant à l’autel de la grotte du temple dans lequel pénètrent les sœurs Grémillet (dessin et couleur d’Alessandro Barbucci) et celles des tissus, des crânes et des robes de squelettes de la fête des morts mexicaine dans la publicité pour La famille tango, un album jeunesse Dupuis où l’on part « à la découverte des légendes mexicaines ». L’historien Michel Pastoureau expliquerait que le violet est la couleur liturgique du catholicisme, par là en est venu à représenter le mysticisme, d’où son appropriation dans les figurations du fantastique, et sa version gothique à la mode, dans la culture populaire. La couleur des yeux de Violine n’est pas un hasard, et Panda dans Dad exprime par cette couleur omniprésente dans sa chambre, ses vêtement et ses cheveux une humeur maussade. Mais Michel Pastoureau nous rappelle aussi que les couleurs sont ambivalentes et subissent des glissements de sens, aussi ce violet se retrouve-t-il dans la chambre d’Ondine, la plus fémininement cliché des filles de Dad, en concurrence avec le rose de ses cheveux, et cette même concurrence entre ces deux couleurs se retrouve bien évidemment dans une publicité pour Les Héricornes, une série Lombard avec le parangon actuel des idôles des petites filles, les petites licornes violettes à la crinière rose. Pour le reste du numéro, on peut s’amuser à voir les contrastes de couleur, entre la tunique violette du petit barbare et la robe rose de la princesse dans Game over (couleurs d'Angèle encore), ou entre le violet de la robe et des cheveux de la vampire et le bleu de la Schtroumpfette dans le Bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet, ou constater à contrario que L’édito des Fabrice, consacré aux vampires, bien qu’ils tentent d'y reproduire « le bruit de la peur » (sic), n’ a rien d’effrayant sur le fond uniformément bleu ciel fait par Sandrine Greffe.

Dans les gags, le capitaine de Titan Inc. ne recule comme d’habitude devant aucune bassesse, cette fois commerciale pour vendre le roman qu’il a écrit, Brad Rock apprend à lire à sa fille et exploite son fils, et Jilème propose un Tuto pour apprendre à dessiner sa « bonne bouille », tuto gag comme souvent, qui propose en bonus de dessiner une pépite d’or avec simplement une « forme biscornue et (pour le brillant de l’or) des petits traits autour, et voila ! »...Bertschy fait se réfugier chez Nelson des invités inattendus, tombés récemment dans le domaine public, sauf en Europe où ils sont protégés jusqu'en 2054,un reporter à la houppe, vêtu de bleu et accompagné de son petit chien blanc et d’un capitaine à la pipe, et dans Dad, le fait que ce soit la plus caricaturalement féminine de ses filles, Ondine donc, que Dad s’imagine « perpétuer sa fibre artistique et rebelle » en montant un groupe de rock ajoute au comique de la situation. Poursuite du thème du printemps avec Berth dans Des gens et inversement, où est plantée une drôle de plante, d’aspect familier pour les parisiens, et qui peut atteindre 300 mètres de haut, avec Tom dans Fish n chips, avec un peu de retard puisque ses poissons en sont encore à discuter de lapins et cloches de Pâques, et enfin avec Bouzard, chargé de débarasser les marges des fleurs qui persistent depuis le numéro précédent, tâche dont il s’aquitte avec l’enthousiasme et l’ingéniosité qu’on lui imagine, le numéro se terminant avec les marges envahies de mouches attirées par les bouses des vaches ayant mangé les fleurs...Autre nouveauté en marges (quoiqu’on puisse aussi imaginer que les bouses ne vont pas y passer la semaine), à côté du titre des histoires (à suivre) est indiqué à quel épisode on en est.

Ainsi, pour Mi-mouche, celle-ci, dans l’épisode 3 sur 7, se décide à essayer la boxe, et ose l’avouer à ses parents. Carole Maurel, pour exprimer le fait que, malgré ses 14 ans, Colette « mi-mouche » se comporte encore comme une petite fille, lui a mis entre les main une tasse en forme de raton laveur au regard de chien battu, tout ce qu’il y a de mignon (et d’enfantin), violet bien sûr...Chez Les sœurs Grémillet, chacune connaît une défaite, y compris collective lorsque, ayant retrouvé le dragon disparu, elles ne parviennent malgré tout pas à élucider leur quête sous les traits d’héroïnes de HF que leur prète Cassiopée dans sa nouvelle, et elle seule parvient pour le moment à vouloir surmonter sa défaite, sans pour autant réussir à stimuler ses sœurs découragées. Fin de Chanson d’avril, le Natacha adapté d’une histoire de L’ Épervier bleu de Sirius par Walthéry, et selon moi, comme souvent pour le cinéma, le remake ne vaut pas l’original. Walthéry au lieu de véritablement s’approprier l’œuvre originale pour la refaire à sa façon a repris littéralement le scénario, les dialogues et commentaires (avec quelques modifications pour les noms et autres détails superficiels), et même de nombreuses cases à l'identique, y ajoutant quelques cases et dialogues de son cru, et la greffe n’a pas pris car les styles des deux auteurs sont trop dissemblables, et les ruptures se voient trop. Ainsi, dans ce dernier chapitre, le style emphatique de Sirius, dans ses commentaires (« La gîte de l’énorme vaisseau aérien s’est accrue. Balancé dans d’écœurantes oscillations, il s’incline sur le flanc comme un gigantesque poisson mourant.») est repris tel quel par Walthéry, qui met l’ensemble au passé, et rajoute points d’exclamations et de suspension, rompant un équilibre déjà fragile ; ailleurs, ce sont les commentaires de L’ Épervier, sobres dans leur solennité, pour contrebalancer la grandiloquence des commentaires en off, (« Les fous ! Ils sont en train de s’entretuer ! ») qui deviennent un « Les dingues ! C’est pas vrai !...Ils sont en train de s’entretuer !!! » qui jure par rapport au langage général; puis, lorsque Walthéry écrit ses propres commentaires en off, cela donne « Et en plus, l’immense nef se cabra ». Que vient faire là ce « en plus » si familier, si manifestement pièce rapportée ? Enfin, Sirius avait opté pour un final hollywoodien d’époque, ses héros s’échappant en avion observant que « Sirius (l’étoile disparue était, on s’en souvient, le départ de cette aventure) est revenu. Regarde, Sheba, l’île aérienne ne le cache plus. », avec la réplique « Le monde a retrouvé son ordre », ces deux phylactères sortant d’un avion partant vers l’horizon, sur fond de soleil levant. Walthéry a fait se prolonger cette fuite jusqu’à ce que ses personnages retrouvent leur bateau, les faisant commenter « On remettra ça un jour, Madame Natacha !?!... » « Ho, sans problème, Monsieur Walter ! Hi!Hi!Hi ! ». Walthéry n’a pas réussi a trouver un équivalent contemporain au balancement romantique entre le sublime et le grotesque qu’effectuait Sirius avec les commentaires guindés des bagarres de ses baroudeurs, comme le voyait Victor Hugo dans sa préface à Cromwell (« Comme objectif auprès du sublime, comme moyen de contraste, le grotesque est, selon nous, la plus riche source que la nature puisse ouvrir à l’art. Rubens le comprenait sans doute ainsi, lorsqu’il se plaisait à mêler à des déroulements de pompes royales, à des couronnements, à d’éclatantes cérémonies, quelque hideuse figure de nain de cour. “) . Ceci dit, l’exercice valait totalement d’être tenté, et retrouver Natacha et Walter dans des actions décalées a donné nombre de moments plaisants.
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heijingling
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Message par heijingling »

Numéro 4542 du 30/04/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/disparitions-mys ... tery-cafe/

Retour de la BD documentaire sur le japon, Tokyo Mystery Café : dès la couverture, on retrouve ces typiques étagères à roulettes que les libraires d’occasion du Japon ou de Chine sortent chaque jour de leur magasin, et en page 5 ces mêmes petites librairies d’occasion tout en longueur, comme insérées subrepticement entre des immeubles modernes, où deux clients ne peuvent tenir de front, et se gènent même en farfouillant dos à dos les étagères opposées... Ce nouvel épisode s’appelle donc Les ombres de Jimbocho, qui est, apprend-on dans la page de présentation, le quartier tokyoïte des éditeurs de mangas et des libraires, et est donc le quartier que l’on va découvrir après Akihabara dans le premier tome, et s’annonce bien, par une excellente idée scénaristique qui est de prendre le contrepied de la réalité virtuelle des idoles de la chanson et de la vidéo abordés dans le premier tome en parlant d’un « crime » qui se révèle aussi virtuel mais aussi matériel puisqu’il s’agit de personnages de mangas assassinés à l’insu de leurs auteurices. Un point m’a fait tiquer toutefois : Nahel boit de l’eau (citronée ou non, là n’est pas la question) pour dissiper la sensation de brûlure d’un riz au curry pimenté : erreur de débutant, et je m’étonne que ce vieux connaisseur de patron du Tokyo Mystery Café ne lui ait pas signalé que si le riz au curry était servi avec une ample portion de riz blanc, c’était justement parce que c’est un des meilleurs calmants contre les piments (au contraire de l’eau, qui au contraire exacerbe la sensation de brûlure). Les auteurices de Tokyo Mystery Café, L’atelier Sentô, soit Cécile et Olivier, sont aussi les invités de Les BD de ma vie, et y mèlent aussi bien bien franco-belge classique que mangas (bon conseil que le personnage d’enfant monstre qu’est Kitaro le repoussant, de Mizuki Shigeru), auteurs européens comme eux fortement influencés par les mangas, comme l’autrice suisse Vamille (influence relative pour eux, puisqu’ils indiquent que le Spirou MQR est pour eux la principale inspiration de TMC),et enfin donnent un autre excellent conseil de « manga pour ceux qui ne lisent pas de mangas » avec La cantine de minuit, deAbe Yaro, dont le dessin ne fait pas du tout « cliché manga » dans la longue lignée de Tezuka mais se situe dans la lignée graphique également typiquement japonaise mais bien moins connue en dehors du Japon que l’on pourrait décrire comme « caricature à l'économie de moyens » qui va de Tsuge Yoshiharu et Usui Yoshito (Crayon Shin-chan), pour les plus connus en France par les amateurs, à Takita Yû et Ishikawa Jun (également critique) , pour de moins connus ici, mais bien plus au Japon. Les Jeux de Frédéric Antoine et Yohann Morin se veulent carrément éducatifs, présentant plusieurs artistes visuels japonais, d’Hokusai à Takahashi Rumiko, et dans leur Édito, les Fabrice présentent une recette de cuisine fusion, leurs sushis en deviennent méconnaissables.

Loin du Japon (on aperçoit la mer et des palmiers au détour d’une case, une ville française de Méditerranée?), Carole Maurel et Véro Cazot traitent tout de même dans Mi-mouche d’art martial avec la boxe. Un point commun formel avec TMC tout de même, les couleurs, aquarellées, ne suivant qu’approximativement les lignes du dessin, loin des aplats propres et nets du franco-belge traditionnel. On peut d’ailleurs remarquer que de plus en plus de dessinateurices réalisent eux-mêmes leurs couleurs; c’est le cas pour les trois séries (à suivre) de ce numéro, ainsi que cette semaine de Nob, Nicolas Moog, Juanungo, Zimra et d’autres, quand d’autres ont leur coloriste attitré, comme Angèle pour Midam depuis 2004, Sandrine Greff pour Fabrice Erre et Fabcaro ou Annelise Sauvêtre pour Kahl et Pörth de Frantz Hofmann et Ced. Finie, l’époque où c’est le Studio Léonardo qui assurait pratiquement toutes les couleurs des séries du journal…

Épisode 7 sur 8 des sœurs Grémillet, qui sortent de l’obscurité de la semaine précédente par un éclairage nouveau sur ce qu’elles avaient pris pour des échecs, ce qui visuellement se traduit par une lumière dorée remplaçant les tons violets dans la nouvelle de Cassiopée.

Une histoire courte de trois pages de Kahl et Pörth, les aventuriers de l’extrême, qui étaient absents depuis octobre dernier, et reviennent avec une étrange et grotesque mascotte. Dans les gags, une toujours pertinente et amusante Leçon de BD du professeur Dab’s (dont Crash Tex n’est plus apparu dans le journal depuis près de trois mois. Série finie? Ce serait dommage...), les jeux de mots et visuels du surréalisme naïf de Willy Woob, un Game over sur l’ambiguïté des pictogrammes (le nucléaire en l’occurence), un « phénomène météorologique assez rare » dans Des gens et inversement de Berth, l’autant hilarant qu’imaginatif arc-en-ciel albinos, et enfin, amusants hasards de pagination des magazines, au verso d’une publicité pour Les Omniscients, une série au Lombard « par le scénariste de Les enfants de la résistance » avec des enfants issus de minorités ethniques (au vu de leur couleur de peau) d’origine pas vraiment identifiable car il ne sont pas ethniquement caricaturés se trouve une planche d’Annabelle pirate rebelle avec un membre d’équipage d’origine africaine caricaturé « à l’ancienne », et Nob publie un gag de Mouf le chien devenu influenceur quand deux pages avant, dans En direct du futur, qui annonce le 500e gag de Dad, il dit que c’est la pire idée de gag qu’il ait eue...

Enfin , le Supplément abonnés (pour tous les abonnés, contrairement à celui de la semaine précédente, réservé uniquement aux abonnés de la région d’Avignon), un joli papercut (une maquette en papier fort) du Tokyo Mystery Café.

P.S. : Angèle, qui est donc la coloriste attitrée de Kid Paddle et Game over depuis plus de vingt ans, n’est (sauf erreur) pas mentionnée dans le livre d’entretiens Midam, l’art du gag, réalisé par Thierry Tinlot, sorti chez Dupuis en 2024, alors que les autres collaborateurs de Midam le sont, et ont même droit à des entretiens, ainsi que Benoit Fripiat, son premier éditeur chez Spirou.
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