-Oufoufou hignififi !
- Je crois qu'ils veulent que nous partions
- iI va falloir ruser...
- (pointant en l'air) HO ! GNOUFOU !
Après les très controversés (pour rester poli) Spirou à Tokyo et Aux sources du Z, le duo Morvan et Munuera est débarqué pour céder la place à Yoann et Vehlmann. Si ceux-ci ont proposé un one shot assez remarquable, qu'en est-il de ce premier épisode sur la série mère ?
Après un run précédent assez avare en humour, le duo met le paquet de ce côté dans ce premier tome ! C'est vraiment l'atout de cet Alerte aux Zorkons, véritable blague de 54 pages, bourré de situations absurdes et d'événements improbables. Les auteurs s'en donnent à cœur joie, et le moins qu'on puisse dire c'est que cette légèreté bienvenue amène un plaisir immédiat à la lecture, et au bout de la quatrième blague idiote, le duo a le lecteur dans la poche.
La carte humour est d'autant bien jouée que celui-ci est complètement loufoque ; et permet paradoxalement de crédibiliser une intrigue qui ne serait probablement pas passée aussi bien sinon. Cet humour peut être dialogué (le dialogue Spirou-soldat de la citation qui m'a littéralement plié de rire à la première lecture), visuel (la faune de Champignac est juste formidable, chapeau bas Yoann!. Mais j'aime aussi énormément le Spimou et notamment la dernière case de la planche 10^^), de situation (à peu près tout ce qui est associé aux Zorkons)...
Les personnages sont aussi très drôles, la palme revient bien entendu aux militaires, à mourir de rire à chaque apparition. La critique du milieu armée, bien qu'assez facile, fait particulièrement mouche et colle bien à l'univers de Spirou. Mais le duo principal n'est pas en reste : déjà il fonctionne à merveille, les réparties entre Spirou et Fantasio sont excellentes. A ce titre, Spirou (le personnage) n'aura probablement jamais été aussi drôle que dans cet épisode. Champignac et Zorglub fonctionnent assez bien ensemble. Objectivement, il n'y a que Léna et Astrid qui soient transparentes dans cette histoire.
Mais surtout, ces personnages ont un chara design impressionnant. Yoann a adapté son style entre les Géants Pétrifiés et Alerte aux Zorkons, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il a fait un travail remarquable. Il a su trouver le compromis entre son trait très particulier, et la « patte » Spirou : ce tome a donc une ambiance graphique toute particulière. J'ai déjà parlé de la faune hyper inventive dans sa diversité, mais les décors sont aussi réussis. Bref, c'est objectivement un des tomes les plus réussi graphiquement parlant.
On vise le sans faute ? Pas tout à fait, car si ce tome est un plaisir à lire, il faut tout de même reconnaître que l'intrigue est assez rachitique. En tant qu'introduction d'une nouvelle ère Spirou, ce tome me fait penser à Paris Sous Seine : dans les deux cas, le scénario met en jeu une trouvaille scénaristique (Paris noyé dans PSS, une jungle infernale ici) mais peine un peu à capitaliser sur cette trouvaille. Dans les deux tomes, les courses-poursuite sont nombreuses et parcourent tout l'album... néanmoins, le prétexte trouvé ici, bien que « crédible » dans l'univers Spirou, est tout de même franchement léger, là où PSS proposait des enjeux plus solides. Bref, ce que le tome gagne en humour comparativement à PSS, il le perd en densité d'intrigue.
C'est d'autant plus dommage que les quelques enjeux thématiques soulevés (l'impact de l'homme sur son environnement, et l'adaptation à une Terre en pleine mutation environnementale) sont tout à fait d'actualité. Du reste, la planche 53, où Spirou exprime son inquiétude sur la résolution du problème et où Champignac cache des spécimens non soignés n'aurait jamais pu exister dans le Spirou de Franquin. Ces questions là sont des questions typiques de ce début de XXIème siècle, qui voit le monde être de plus en plus sceptique face au « progrès » et à un avenir qu'on (les médias, les politiques, les scientifiques...) prévoit comme sombre. Il est vraiment dommage que Vehlmann n'ait pas voulu s'emparer plus de ces questions (quitte à sacrifier quelques blagues), l'album n'en aurait été que plus mémorable.
Un dernier point avant de finir, j'apprécie énormément les efforts de continuité fournis par Y&V pour faire suite à aSdZ : on a bien un Fantasio plus vieux que Spirou (et dont le design est absolument génial, le costume-cravate est top!), qui se rappelle de miss Flanner. Spirou a la fougue de la jeunesse et est plus caractériel, là où Fantasio joue un peu les catalyseurs. Tout en respectant les personnalités du duo principal, Y&V en profite pour en modifier légèrement la dynamique. Bref, très bon point car ils ont vraiment gardé les meilleurs aspects de cette cure de jouvence, sans s’appesantir sur les problèmes de continuité associés. Etant donné qu'il n'y a rien de plus insupportable qu'une série qui a honte de son histoire, je ne peux qu'approuver cet effort bien dosé de cohérence globale (allez les gars, plus qu'à expliquer la disparition du Marsupilami et vous aurez effectivement concilié l'ensemble de la continuité Spirou!)
En conclusion, un épisode d'ouverture qui joue sur les mêmes plates-bandes que PSS, réussi là où le précédent avait échoué (l'humour), s'égare un peu plus là où PSS était solide (l'intrigue). La note est donc la même : 4/5, mais cette fois un 4 indiscutable.
Et puisque le but de mon inscription n'est pas de faire des critiques tout seul dans mon coin mais aussi de participer à la vie du forum :
Mister B a écrit :PS : quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi des pièces tombent du jean de Fantasio sur la couverture ? (très belle au passage)
Je pense qu'il ne faut pas trop se torturer, les pièces sont juste là pour donner de la vie et du mouvement à cette couverture, ainsi que pour accentuer l'effet de danger (la chute des pièces=la hauteur, la gravité tout ça).
Prunelle a écrit :Et cette réplique page 30:
Fantasio : - Miss Flanner
Spirou : - Qui ça ?
C'est jubilatoire !
C'est marrant parce qu'en vous lisant, j'ai l'impression que vous pensez cette réplique comme une espèce de critique irrévérencieuse envers M&M, alors que je ne l'ai pas du tout senti comme ça. Au contraire, j'ai vraiment senti que cette réplique, ainsi que plein d'autres éléments (le design de Fantasio, le comportement de Spirou...) sont au contraire là pour répondre aux interrogations légitimes sur la continuité après le tome 50, bref à inscrire AaZ comme postérieur à aSdZ. Après tout, objectivement ce Spirou-ci ne sait pas qui est Flanner. Même si je ne crois pas que ce Spirou-ci va rencontrer le vieux Spirou qui vit avec Flanner dans un tome futur (cette intrigue est décidément trop détestée pour que Y&V s'y aventurent), techniquement ça serait possible.
Bref, je ne vois pas ça comme une marque de mépris de la part de Y&V pour leurs prédécesseurs, mais plus leur fixation pour une continuité bien gérée et un aspect plus feuilletonnant pour Spirou (il n'y a qu'à voir leur fins d'albums, qui sont à chaque fois un teasing pour le suivant).