Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : lun. 7 nov. 2022 15:12
Numéro 4412 du 02/11/2022
Ici la présentation illustrée par jeepcook viewtopic.php?t=230&start=2357
Spirou a toujours eu besoin, financièrement, de publier des publicités, mais alors que celles-ci, la plupart ciblées jeunesse, pouvaient porter aussi bien sur des friandises que sur des vêtements, avec parfois des pubs sous formes de BD que les plus grands dessinateurs du journal, de Franquin à Peyo, ont commis, depuis quelques années, elles ne concernent pratiquement plus que les albums publiés par le groupe de médias financier de divertissement auquel appartient les éditions Dupuis. Et celles de ce numéro, chacune pour un album Dupuis non prépublié par le journal, sont révélatrices chacune des ambiguïtés actuelles de Spirou . Tout d'abord, l'annonce du dernier Ministère secret de Sfar et Sapin, dont le titre, discrètement indiqué en petit en bas ("Le sphincter de Moscou") explique en partie le pourquoi de la prépublication de cet épisode dans Libération plutôt que dans Spirou (mais le prochain épisode sera normalement prépublié dans notre magazine de prédilection). Ensuite, CitiZen, un album réalisé pour les jeunes ados, fait par un studio, pas moins de cinq auteurs/trices, dont une jeune et jolie vedette du monde du spectacle, seule mise en avant par sa photo.
Une des ambiguïtés du magazine s'exprime par la dilution des spécificités de Spirou. Beaucoup a été dit sur l'unformisation de l'école de Marcinelle, en particulier avec les auteurs du Studio Peyo (de Francis à De Gieter et Derib et Wasterlain, ces deux derniers ayant néanmoins développé une vraie personnalité graphique). Mais que dire alors de l'uniformisation actuelle d'auteurs/trices, souvent venus du dessin animé, illustrée par la nouvelle série débutant cette semaine, Trésor, dont la dessinatrice, Pauline De La Provôté, a un dessin (couleurs directes étalonnées, atténuation des noirs, visages poupins, tendance kawaï en un mot) indiscernable d'autres que l'on a vu ces dernières semaines ici-même (Miss Prickly pour Animal Jack, Mobidic, Princesse Barbare...). L'autrice dit par ailleurs avoir "beaucoup aimé composer le physique de Trésor et sa bande", alors que les visages de chacun des trois enfants sont rigoureusement identiques, et ne se distinguent que par leur coiffure, caractéristique que l'on retrouve dans les mangas des grands studios, les personnages étant simplifiés pour le passage éventuels à l'animation (simplification que l'on a vu en acte il y a quelques semaines pour l'adaptation en dessin animé de La vie en slip). Autre tendance, il s'agit une fois de plus d'une série avec des enfants pour personnages principaux, de même que pour la série annoncée pour le numéro spécial Noël, Les Amis de Spirou, de Morvan et Evrard, autrement dit, Spirou retourne à son penchant des années Pinchart (1987-1993) vers une infantilisation, soit l'opposé des années Doisy et Delporte, qui avaient vu une maturation des personnages (Spirou avait grandi, Jacquot avait laissé Valhardi au profit de Gégène, Jijé avait délaissé Blondin et Cirage pour Jerry Spring, et en 1958, vingt ans après sa création, il n'y avait plus dans Spirou que deux séries avec des héros enfants, Saki, de Hausman, et Tom et Nelly, de Bielsa et Joly).
Cette tendance a d'ailleurs donné lieu à une péripétie amusante: le marsupilami de Flix, qui avait débuté de manière originale avec une satire d'Alexander von Humboldt dans la jungle, est devenu une histoire pour enfants, où nous suivons une petite fille aidant le marsupilami à retrouver ses enfants, est déjà paru en un album qui a excité l'ire d'un critique d'Actuabd: "Voici un album jeunesse digne de la série, enfin c’est ce que l’on croyait jusqu’à ce que nos héros entrent dans un club où dans le décor se dissimule -un peu trop peu pour le public du Marsu- des scènes de partouze." https://www.actuabd.com/Le-Marsupilami- ... ns-l-avion Malgré les dénégations et justifications de Stéphane Beaujean, directeur éditorial de Dupuis, il faut bien avouer que la scène en question, qui a paru dans le numéro de cette semaine, montre des danseuses aux poses plus que lascives, le marsupilami lui-même y est dessiné interloqué par ce qu'il voit, comme quoi Flix est conscient de sa provocation.
Ceci dit, Théo Grosjean et Anna Maria Riccobono ajoutent cette semaine une nouvelle dimension à leur série Elliot au collège, montrant qu'une série sur des personnages enfants n'a pas à être par nature superficielle et vaine, n'y s'efforcer à une profondeur artificielle.
Spirou chez les fous, de Jul, Libon et Alex Doucet, sur lequel je suis jusque là mitigé, prend un tournant qui pourrait s'avérer intéressant, Fantasio étant à la recherche du possesseur "des notes et croquis préparatoires des créateurs de Spirou et Fantasio", car il veut absolument connaitre ses origines, ce à quoi Spirou lui répond qu'"un auteur de bande dessinée n'est qu'un artiste comme un autre...et en aucun cas le dépositaire de nos origines réelles...même si tu trouvais ce fameuses "notes", cela ne voudrait pas dire que tu aurais la réponse sur ta création!", soit une approche qui pourrait être intéressante, en tout cas à suivre, sur la propension actuelle à vouloir traiter l'imaginaire comme le réel (ici, vous mettrez les références que vous voudrez).
Dans le nouvel épisode des Petits métiers méconnus, Vincent Zabus retrouve son complice Thomas Campi, avec qui il a réalisé plusieurs albums mais qui dessine pour la première fois cette série.
Enfin, dans ce numéro décidement dense et surprenant, Yoann révèle avec Les BD de sa vie des goûts fort éclectiques, de Moëbius à Paul Pope et Blutch pour les grands graphistes, à l'absurde de Goossens, mais aussi à la culture bis de Jamie Hewlett (ce qui se voyait) mais aussi des Tikitis (dérivé de Lucha libre, de Jerry Frissen et Fabien M).
Surprises jusqu'au supplément, un Carnet de voyage en Caroline du Nord, où, en 13 petites pages, Nicolas Moog parvient à méler l'anecdotique attendu, les retournements de situation, et un hommage à un légendaire musicien "hillbilly" (plus proprement dénommée musique des Appalaches, ou Mountain music), ou folkloriste, Bascom Lamar Lunsford, pour ceux qui voudraient mettre une BO sur leur lecture de Black squaw https://www.youtube.com/watch?v=-FHUi_M427Y
Ici la présentation illustrée par jeepcook viewtopic.php?t=230&start=2357
Spirou a toujours eu besoin, financièrement, de publier des publicités, mais alors que celles-ci, la plupart ciblées jeunesse, pouvaient porter aussi bien sur des friandises que sur des vêtements, avec parfois des pubs sous formes de BD que les plus grands dessinateurs du journal, de Franquin à Peyo, ont commis, depuis quelques années, elles ne concernent pratiquement plus que les albums publiés par le groupe de médias financier de divertissement auquel appartient les éditions Dupuis. Et celles de ce numéro, chacune pour un album Dupuis non prépublié par le journal, sont révélatrices chacune des ambiguïtés actuelles de Spirou . Tout d'abord, l'annonce du dernier Ministère secret de Sfar et Sapin, dont le titre, discrètement indiqué en petit en bas ("Le sphincter de Moscou") explique en partie le pourquoi de la prépublication de cet épisode dans Libération plutôt que dans Spirou (mais le prochain épisode sera normalement prépublié dans notre magazine de prédilection). Ensuite, CitiZen, un album réalisé pour les jeunes ados, fait par un studio, pas moins de cinq auteurs/trices, dont une jeune et jolie vedette du monde du spectacle, seule mise en avant par sa photo.
Une des ambiguïtés du magazine s'exprime par la dilution des spécificités de Spirou. Beaucoup a été dit sur l'unformisation de l'école de Marcinelle, en particulier avec les auteurs du Studio Peyo (de Francis à De Gieter et Derib et Wasterlain, ces deux derniers ayant néanmoins développé une vraie personnalité graphique). Mais que dire alors de l'uniformisation actuelle d'auteurs/trices, souvent venus du dessin animé, illustrée par la nouvelle série débutant cette semaine, Trésor, dont la dessinatrice, Pauline De La Provôté, a un dessin (couleurs directes étalonnées, atténuation des noirs, visages poupins, tendance kawaï en un mot) indiscernable d'autres que l'on a vu ces dernières semaines ici-même (Miss Prickly pour Animal Jack, Mobidic, Princesse Barbare...). L'autrice dit par ailleurs avoir "beaucoup aimé composer le physique de Trésor et sa bande", alors que les visages de chacun des trois enfants sont rigoureusement identiques, et ne se distinguent que par leur coiffure, caractéristique que l'on retrouve dans les mangas des grands studios, les personnages étant simplifiés pour le passage éventuels à l'animation (simplification que l'on a vu en acte il y a quelques semaines pour l'adaptation en dessin animé de La vie en slip). Autre tendance, il s'agit une fois de plus d'une série avec des enfants pour personnages principaux, de même que pour la série annoncée pour le numéro spécial Noël, Les Amis de Spirou, de Morvan et Evrard, autrement dit, Spirou retourne à son penchant des années Pinchart (1987-1993) vers une infantilisation, soit l'opposé des années Doisy et Delporte, qui avaient vu une maturation des personnages (Spirou avait grandi, Jacquot avait laissé Valhardi au profit de Gégène, Jijé avait délaissé Blondin et Cirage pour Jerry Spring, et en 1958, vingt ans après sa création, il n'y avait plus dans Spirou que deux séries avec des héros enfants, Saki, de Hausman, et Tom et Nelly, de Bielsa et Joly).
Cette tendance a d'ailleurs donné lieu à une péripétie amusante: le marsupilami de Flix, qui avait débuté de manière originale avec une satire d'Alexander von Humboldt dans la jungle, est devenu une histoire pour enfants, où nous suivons une petite fille aidant le marsupilami à retrouver ses enfants, est déjà paru en un album qui a excité l'ire d'un critique d'Actuabd: "Voici un album jeunesse digne de la série, enfin c’est ce que l’on croyait jusqu’à ce que nos héros entrent dans un club où dans le décor se dissimule -un peu trop peu pour le public du Marsu- des scènes de partouze." https://www.actuabd.com/Le-Marsupilami- ... ns-l-avion Malgré les dénégations et justifications de Stéphane Beaujean, directeur éditorial de Dupuis, il faut bien avouer que la scène en question, qui a paru dans le numéro de cette semaine, montre des danseuses aux poses plus que lascives, le marsupilami lui-même y est dessiné interloqué par ce qu'il voit, comme quoi Flix est conscient de sa provocation.
Ceci dit, Théo Grosjean et Anna Maria Riccobono ajoutent cette semaine une nouvelle dimension à leur série Elliot au collège, montrant qu'une série sur des personnages enfants n'a pas à être par nature superficielle et vaine, n'y s'efforcer à une profondeur artificielle.
Spirou chez les fous, de Jul, Libon et Alex Doucet, sur lequel je suis jusque là mitigé, prend un tournant qui pourrait s'avérer intéressant, Fantasio étant à la recherche du possesseur "des notes et croquis préparatoires des créateurs de Spirou et Fantasio", car il veut absolument connaitre ses origines, ce à quoi Spirou lui répond qu'"un auteur de bande dessinée n'est qu'un artiste comme un autre...et en aucun cas le dépositaire de nos origines réelles...même si tu trouvais ce fameuses "notes", cela ne voudrait pas dire que tu aurais la réponse sur ta création!", soit une approche qui pourrait être intéressante, en tout cas à suivre, sur la propension actuelle à vouloir traiter l'imaginaire comme le réel (ici, vous mettrez les références que vous voudrez).
Dans le nouvel épisode des Petits métiers méconnus, Vincent Zabus retrouve son complice Thomas Campi, avec qui il a réalisé plusieurs albums mais qui dessine pour la première fois cette série.
Enfin, dans ce numéro décidement dense et surprenant, Yoann révèle avec Les BD de sa vie des goûts fort éclectiques, de Moëbius à Paul Pope et Blutch pour les grands graphistes, à l'absurde de Goossens, mais aussi à la culture bis de Jamie Hewlett (ce qui se voyait) mais aussi des Tikitis (dérivé de Lucha libre, de Jerry Frissen et Fabien M).
Surprises jusqu'au supplément, un Carnet de voyage en Caroline du Nord, où, en 13 petites pages, Nicolas Moog parvient à méler l'anecdotique attendu, les retournements de situation, et un hommage à un légendaire musicien "hillbilly" (plus proprement dénommée musique des Appalaches, ou Mountain music), ou folkloriste, Bascom Lamar Lunsford, pour ceux qui voudraient mettre une BO sur leur lecture de Black squaw https://www.youtube.com/watch?v=-FHUi_M427Y