Attention, on touche au one shot que j'aime sans doute le moins. Plusieurs raisons à cela: la première, il y a le dessin de Tehem. Je le connaissais aussi bien avant, car il a fait
Malika Secouss (même si je ne l'ai pratiquement pas lu), et
Zap collège.
Par contre, je connaissais très bien, ça paraissait dans
Okapi, et à chaque fois ça me perturbe de voir le dessin d’une autre œuvre que je connais très bien adapté ici, mais ce n'est vraiment pas grave comparé à ce qui va suivre. Le problème est le scénario, et pourtant, ça aurait dû me plaire.
Je veux dire, c'est génial les références à de très bons albums de Franquin, respectivement
La mauvaise tête et
QRN sur Bretzelburg. C'est même nerdgasmique qu'il soit de nouveau fait référence au Bretzelburg, on n’était jamais retournés voir le roi, la princesse présidente, et surtout le docteur Kilikil. Il n’a pas changé ou presque!

C’est aussi un album qui fait pas mal intervenir Seccotine, et j'aime bien quand c'est le cas. Et pourtant, à part ça, rien ne va. Plusieurs raisons à cela, mais la première c'est: qu'est-il arrivé à Spirou?

Il a été kidnappé et échangé par un clone méchant, c'est ça?

Je me demande ça, parce qu'il n'agit pas du tout comme d'habitude. Je crois qu'on l'avait jamais vu si désagréable en dehors du film live.

Déjà au début, il y a le fait qu'il n'hésite pas à entrer par effraction pour lire secrètement le roman de Fantasio, au lieu de simplement le demander. Et de savoir prendre non comme une réponse, si ça avait été le cas.
Mais là encore ça va, il est encore relativement sympa, puisque Spirou dit avoir acheté 18 livres de Fantasio. Le problème, c'est après. Déjà, il faudra m'expliquer comment un flop littéraire peut attirer l'attention d'un producteur de cinéma. Et surtout, comment il peut devenir un succès cinématographique? Remarquez que le film live auquel je faisais référence juste avant, n’était pas encore tourné à l'époque, on pouvait donc tout imaginer de ce point de vue là.

Autre incohérence que je ne saisis pas, le succès du film semble rendre connu Spirou du jour au lendemain. Sauf que si j'ai bien suivi, il est déjà connu à la fois en tant que reporter, et en tant que mascotte du journal du même nom, dont les gens ont eu l'occasion de lire les BD. En fait,
La mauvaise tête existe déjà sous forme de BD, pourquoi ça ne se vendrait pas sous forme de roman?

Mais ces incohérences sont des peccadilles, comparées à ce que le succès a pour effet.
Puisque cela donne littéralement la grosse tête à Spirou. On dirait que la couverture de
La mauvaise tête a inspiré ce jeu de mots aux auteurs, qui se sont engouffrés là-dedans, sans se demander si c'était vraisemblable ou non. Et bien, ça ne l'est pas du tout: je ne vois aucun de nos héros prendre la grosse tête, et si quelqu'un le devait, je ne crois pas que ça serait Spirou, ça ne lui ressemble absolument pas.

Cela m'a rappelé ces auteurs fans de Batman, qui pour le mettre en valeur, présentent Superman comme un abruti imbu de lui-même à ses côtés. On remarquera que même si lui n'est pas innocent, car Fantasio s'est décrit dans des situations où il n'était pourtant pas dans son roman sur
La mauvaise tête, il subit de plein fouet le problème d'être celui dont les gens se préoccupent le moins. Donc, s'il y a des produits dérivés à son nom, c'est du papier toilette. Et dans le film, ce n'est même plus à lui que l'accusation de vol arrive, parce que c'est moins vendeur, par exemple. Bref, il est le laissé pour compte, et c'est mis en abyme par l’attitude de Spirou. Sauf que d'habitude, il ne fait rien pour que son ami ne se sente encore plus mal à l'aise de ce point de vue là, c'est même tout l'inverse.
Le problème du Bretzelburg est contraire maintenant, plus de famine, mais à l’opposé, la contrainte de manger tous les jours un plat très calorique. J'avoue, je n'ai pas très bien saisi le délire…

Et puis, ce pays il y avait-il besoin de tomber de Charybde en Scylla? Vous remarquerez la relative indifférence de Spirou à ce qui arrive à ce pays, alors qu'il avait contribué à y faire tomber la dictature auparavant. N'oublions pas là non plus l’infâme sous intrigue avec Louise Garoin. Le simple fait que Spirou sorte avec, alors que chez lui c'est plutôt rare, mais en plus qu'il le fasse en toute connaissance de cause du fait que Fantasio en pince pour elle… Et alors qu'il n'a pas l'air de s'intéresser tant que ça à Louise, d'ailleurs.

C'est très loin de sa loyauté habituelle envers ses love interests, et envers Fantasio. J'avais déjà dit, à propos de
Aux sources du Z, que Spirou, ça m'a pas l'air du genre de personnes qui pique ses copines aux amis. Songez qu’on est censés parler du même gars qui, pour innocenter Fantasio, avait risqué sa peau en escaladant une falaise à mains nues. Ou pas hésité à aller le chercher dans une dictature aux frontières fermées. Et qui maintenant, traite ce même ami comme de la bouse? Difficile de croire que c’est le même…
Passons au sérum de vérité. Quelle horreur, cette scène!

Et les personnages disent ce qu'ils pensent vraiment, à priori… Et si c'est vrai, c'est une grande tristesse de penser qu'en fait, Spirou perçoit Fantasio comme un mauvais journaliste. Je me répète encore une fois, d'où est-il devenu si odieux? Même le Comte fait preuve d’honnêteté brutale dans cette scène. Pourtant, ça paraît la dernière personne à qui cela pourrait arriver. On retrouve un peu les personnalités habituelles à partir du moment où le plan pour administrer le sérum de vérité aux militaires du Bretzelburg est mis en place. Mais vous remarquerez que c’est après un enlèvement, et donc quasiment sous la contrainte, que Spirou et Fantasio se décident à aider la résistance, encore une fois, ça ne leur ressemble guère .
