Numéro 4488 du 17/04/2024
Ici un aperçu du magazine
https://www.spirou.com/actualites/somma ... tin-orange
Depuis quelques années que les histoires courtes sont rendues à la portion congrue du journal, au bénéfice des gags, les focus sur les séries consistent le plus souvent en une simple plus grosse dose de ces gags, disséminés dans le magazine. C’est le cas cette semaine avec
Nelson, de
Bertschy, 12 strips répartis sur trois pages, sans thématique, pourtant, celle de la couverture, Nelson dans un parc, permettait de nombreuses possibilités amusantes.
En vis-à-vis pages 2 et 3, un gag de
Gaston où celui-ci, pratiquement absent, voit l’ensemble de la rédaction s’auto détruire et sombrer dans l’alcoolisme, et un running gag des Fabrice dans
L'Édito, qui court épisodiquement depuis quelques semaines, sur ceux-ci inventant qu’ils vont se faire débaucher par la concurrence pour essayer de se faire retenir chez
Spirou, une augmentation à la clé. Le second pousse les Fabrice à se surpasser, à leur manière, alors que le premier conduit à une impasse: si Gaston est si destructeur, ce que montre la spirale de descente vers la dépression de toute la rédaction depuis quelques gags, comment la série pourra-t-elle continuer?
Delaf a beau essayer de parer les critiques avec le personnage de Lebrac recopiant
Franquin avec un résultant “bluffant”, la réticence venant de Prunelle et de son esprit dépressif et dépréciatif, on voit son Gaston prendre le même chemin que
les Nombrils, qui ont évolué vers une voie sans issue contraignant les auteurs à avoir fait un retour en arrière décontextualisé avec
Les vacheries des Nombrils, qui lui-même a vite tourné court. Du moins
les Nombrils ont-ils mis plus de 10 ans pour arriver à l’impasse dans laquelle Delaf est en train de fourrer Gaston en à peine quelques mois…
Les autres gags de ce numéro sont par contre de bonne tenue selon moi.
Titan inc., dans lequel
Paul Martin et
Manu Boisteau jouent avec la mise en page,
Happy/calypse, série familiale avec les parents, les copains-copine, l’école, que
Laulau et
Gyom renouvellent en la transposant dans un univers post apocalypse très complet et pertinent, avec cette semaine l’école submergée par la montée des eaux, et j’ai bien apprécié le surréalisme de la baleine nageant nonchalamment au dessus de l’école.
Gyom s’est aussi chargé de la double page de
Jeux Happycalypse avec un déferlement de zombies, parmi lesquels un Schtroumpf…
Midam, Adam, Patelin et
BenBK jouent avec l’illusion d’optique entre la 2d et la 3D dans un gag de
Game over étendu sur deux planches, et
Midam, Pujol, Dairin, et
Angèle avec le détournement d’un graffiti dans
Kid Paddle. Double page aussi pour
Capitaine Anchois de
Floris, dans un déroulement assez linéaire pour une fois mais toujours amusant. Après seulement moins d’une dizaine de strips (mais mûris depuis de longues années, comme on l’a vu),
Fish n chips de
Tom a pris ses marques dans ce décor post apo déjà actuel qu’est le fond des océans, lui donnant une touche particulière par sa colorisation joyeuse, en contre pied du sujet. Enfin, de nouveaux strips de la passionnante série
100 instruments de musique, l’imagination délirante de
Thiriet illustrée par
Duhoo, où l’on apprend cette semaine l’origine du son des crécelles. Je crains l’arrêt anticipé de cette série, que n’a-t-elle été nommée 1000 instruments?…
Suite de
Créatures, dans les entrailles, le cœur, le système neuronal, je ne sais comment qualifier de quoi est fait Yog Sothoth. Suite de
Yoko Tsuno, où
Leloup écrit de plus en plus ses dialogues comme une partie de ping-pong, avec page 35 un énigmatique “moi je suis chinoise et je n’ai pas de microbes” prononcé par Rosée du Matin…Suite aussi de
Black Squaw, qui arbore un impressionnant (et incongru) décolleté pour ce chapitre où elle fait la détective. Et fin d’Apocalypse, tome 9 et cycle 2 de
Frnck , par
Bocquet, Cossu, Guillo et
Perdriset (dont le rôle n’est pas précisé). Je ne reviens pas sur le bien que je pense de cette série et cet épisode, mais fin du cycle donc, où tous sont revenus dans le présent, mais sans Kenza ni Chipolata, ni deux doigts de Frnck (un indice pour
Soda?) et avec quelques animaux préhistoriques, qui formeront ainsi la quête du cycle suivant.
Une histoire courte de 5 pages, en forme d’introduction à une nouvelle série, colorisée par
Cerise, et dessinée dans un style FB directement issu des années 70 par
Cédric Ghorbani, qui avait fait quelques gags et récits complets dans
Spirou au début des années 2000, et a depuis publié des albums de gags chez
Soleil. Il s'agit d'
Annabelle, pirate rebelle, scénarisé par
Sti, qui avait déjà fait une série de pirates dans
Spirou,
L’île carrément perdue, dessinée par
Cromheecke, mais ce n’est pas cette fois dans l’humour absurde que verse cette nouvelle série, qui ne peut pas ne pas faire penser à
Marine, fille de pirates, de
Tranchand et
Corteggiani, de par son sujet et son héroïne.
En supplément, des autocollants des personnages de
Mort et déterré, par
Pascal Colpron, au volant de voitures en folie.
Enfin, trois rubriques rédactionnelles.
Les BD de ma vie d’
Alain Henriet, qui se représente en cow-boy, et qui sans surprise apprécie surtout les auteurs réalistes, mais dans une large gamme, de
Bernie Wrightson à
Juan Giménez et
Hermann, assez éloignée de son propre style, très net.
En direct du futur annonce la suite et fin de
Spirou et Fantasio La mémoire du futur pour le numéro 4500, avec une image de Cyanure que
Schwartz dit avoir traitée différemment des autres personnages, dans un trait bien plus réaliste, en repartant d’images de son modèle originel,
Marylin Monroe. Enfin, c’est
Philippe Girard, auteur québécois présent dans le supplément de la semaine précédente, l’invité de
Spirou et moi. Enfant, il lisait
Archie Cash dans
Spirou, une série présentée par lui et l’interviewer,
Morgan Di Salvia, comme macho, une époque “heureusement” révolue est-il même dit. Visiblement, ils sont, comme la plupart des lecteurs, aveuglés par leurs préjugés, ce qui les empêche d’avoir vraiment pu voir cette série (
Philippe Girard l’a lue enfant, ce qui peut l’excuser). Archie cash est un baroudeur, et cette série était très violente (des gens y étaient abattus de sang froid), dans l’esprit de l’époque (
Charles Bronson, le modèle graphique d’Archie cash, était une grande vedette, comme L’inspecteur Dirty Harry, avec
Clint Eastwood, et
Don Siegel et
Sam Peckinpah étaient à leur acmé. Mais Archie Cash, contrairement à l’image qu’il renvoie, musculeux, buriné, est rien moins que macho. C’est même une des rares séries de l’époque où les femmes sont considérées les égales des hommes, et mieux, Archie cash n’a aucun préjugé à leur égard. On est bien loin de Tif et Tondu envers Kiki, de Fantasio envers Seccotine ou Ororéa, de Walter envers Natacha, bref, de la plupart des héros de l’époque, BD comme cinéma. Qui plus est, cette série était résolument non raciste (alors que le mépris machiste envers les femmes se double souvent d’un mépris raciste), Archie Cash étant ami et allié avec des asiatiques, des africains, l’une de ses plus proches étant Angela Chalmers, une femme noire, et ceci sans ostentation. Le fait est que la série a été créée par
Jean-marie Brouyère, une sorte de réac-chef adjoint de
Thierry Martens et qui, en tant que parfait hippie (il avait les cheveux longs jusqu’à la moitié du dos et se baladait pieds nus), faisait en surface ce que voulait
Martens selon sa compréhension de l’époque, ce qu’a ainsi résumé
Bernard Hislaire: « Selon nos critères actuels certainement. Une explosion de violence, une époque des antihéros et de la réalité. Le réel quoi. Il y avait ce côté, on veut faire vrai! La provocation faisait partie de la culture, la provocation faisait partie de la valeur artistique. A partir de moment-là, tout était fort, de manière à ce que ça provoque quelque chose. On n’était pas dans un intellectualisme ou un moralisme, certainement pas. » (in
La Crypte tonique #2, 2012), et glissait en arrière plan ses valeurs égalitaires, et ses goûts pour les interdits, comme la drogue. Enfin, la série était résolument politique: l’épisode Le maître de l’épouvante, où Archie Cash est confronté aux Tontons macoutes, paraissait d’ailleurs au même moment que Tora Torapa, où Spirou était lui confronté aux Tontons mamoutes. Mais
Brouyère et
Malik, le dessinateur, y montraient de plus la misère du tiers monde. Violence physique et sociale montrés crûment, il n’en faut pas plus pour assimiler la série à une caricature de machisme. La réhabilitation de la série des Dirty Harry a depuis eu lieu, pas celle d’
Archie Cash, ce qui montre bien le retard de la critique et l’analyse de la BD sur les autres arts.