- on ne décollera pas, je vous dis
- Borris, vous commencez à me taper sur les nerfs !
Bon, c'est pas que ça m'enchante mais il va bien falloir en parler des albums de Nic et Cauvin. Brrr, rien qu'à l'idée, j'en frissonne... Il fait froid où c'est moi ?
Les albums de Nic et Cauvin, c'est un petit peu les vilains petits canards de Spirou : on a tellement dit qu'ils étaient mauvais, qu'il devient impossible d'en dire du bien... Et malheureusement pour le duo, je ne vais pas faire mentir la tradition : c'est pas terrible tout ça.
Pourtant, contrairement aux critiques que j'ai pu lire ça et là, je ne suis pas traumatisé par le dessin. Spirou et Fantasio ont un design tout à fait acceptable : la nouvelle coiffure de Spirou avec ces longues pattes fait très années 80 je trouve et le changement n'est pas désagréable. Reste ces oreilles très décollées pour les deux héros, qui prennent de la place. Mais après tout pourquoi pas ? Dans le même genre d'idées, Spip est graphiquement très bien, et les méchants (bien que tout à fait génériques) sont acceptables. Quant aux scientifiques, ils sont.... OOOOH MON DIEU !!! Mais qu'est-ce que c'est que ce mouton orange sur la tête de Jefferson ???? Ses quoi ?? Ses cheveux ?... Ah... Comment dire... c'est un style. Ça fait un peu berger mais pourquoi pas. C'est « unique ». D'ailleurs, aucun des 3 « génies » ne fait très scientifique : entre notre berger à moumoute, Borris le rescapé du KGB et Karl le bûcheron (aussi appelé « la troisième roue du carrosse » ou « le personnage au fond qui sert à rien »), on s'étonnera pas que les chercheurs aient toujours une image de fous mal peignés. Je me demande bien quelle a été la source d'inspiration de Nic...
Et c'est bien ça le problème dans cet album. Le manque cruel d'inspiration. Entre nos trois scientifiques au design plus que douteux, et une fusée dont l'allure est régurgitée de 40 ans de SF et sans identité propre, on peut comprendre que le dessin de Nic ait fait grincer des dents. Si l'homme a un dessin relativement agréable et propose une certaine vivacité dans ces planches (grâce à un sens du mouvement important, issu de ses années à la télévision j'imagine), il a tout de même bien plus de difficultés à proposer un univers propre, des cadrages novateurs. Ajoutons à cela une colorisation juste mais criarde (le ciel est BLEU, la tenue de Spirou ROUGE...) et ça donne un album qui n'est pas à laisser entre les mains d'un épileptique.
Pour sa défense, je comprends le manque d'inspiration de Nic. Faut dire que moi aussi si on m'avait servi un scénario aussi insipide, ça m'aurait sans doute inspiré une moumoute orange pour Jefferson tiens ! Certes, le duo Nic et Cauvin part avec un handicap, l'interdiction de réutiliser les personnages secondaires de l'univers Spirou (interdiction tout à fait idiote et injuste du reste) : mais bon, c'est pas une raison pour proposer des personnages sans saveur ! Déjà, il y a un problème avec les 3 scientifiques : si on décide d'en faire 3, c'est pour avoir du contraste. Donc que Karl-la-pièce-rapportée ait les mêmes réactions et attitudes que Jefferson, c'est un problème. Les autres scientifiques comme les deux méchants principaux sont mieux définis certes (et encore, les motivations des méchants sont franchement légères)...
Sauf que cette intrigue est quand même complètement ratée. Moulignac l'a très bien résumé dans son post : « ahlàlà ces vilaines grandes puissances qui forcent les scientifiques pacifiques à faire des armes rien que pour faire du mal aux piti nenfants ! ». Parce que : d'une, les scientifiques passionnés par la chose militaire ça n'a jamais existé c'est bien connu. De deux, ces grandes puissances toutes puissantes mais jamais nommées et qui resteront dans un flou nébuleux c'est au mieux maladroit. De trois, pour des scientifiques forcés de bosser sur des armes, le trio semble avoir eu une très grande liberté tout de même (bah ouais, ils se sont rencontrés à un colloque quand même, ce qui veut dire qu'ils pouvaient passer d'un pays à l'autre, enfin je dis ça, je dis rien).
En plus de ça, l'intrigue est bourrée d'incohérences ou de situations oooh combien pratiques : la cachette des scientifiques (qui est une île fabriquée par eux, manifestement quand ils se sont enfuis ils ont emporté l'ensemble du PIB des grandes puissances pour avoir de quoi construire île et fusée, passons) est à moins d'une demie journée des côtes, ce qui avouons-le, quand on veut rester caché, est un peu c**. Leur système de défense, la ceinture de froid, s'il est classe, est tout de même aussi idiot : dans le genre « coucou on est là », rien de mieux qu'un micro-climat pas du tout suspect. Surtout que son utilité est à géométrie variable : bah oui, c'est pas prévu pour les sous-marins (ça valait bien le coup d'être trois génies pour oublier que dans la mer, il y a des sous-marins) ! Donc on coupe la ceinture. Sauf que le sous-marin ne peut pas accoster sur l'île, donc ils y vont par canot pneumatique... stoppé grâce à la réactivation de la ceinture... Donc au final, la ceinture était très bien, et toutes les péripéties de Spirou et Fantasio face au bateau (arrivé ici pile poil au bon moment d'ailleurs, mais on est plus à une facilité près) ne servent à rien, donc !
Bon... le dessin ça passe moyen. Les personnages pareil. L'intrigue ça va PAS. Allez, dites-moi que l'humour ça va au moins ! Donnez-moi au moins ça ! Et bien NON ! L'humour ça va pas non plus. Alors, certes il y a des gags, mais la plupart du temps, c'est pas très fin (Fantasio qui écrase le paquet d'un monsieur à la plage, premier gag du tome, ça met dans l'ambiance!), et surtout la plupart du temps, ça s'est déjà vu ailleurs : la panne du moteur, le pessimisme de Borris... J'ai déjà vu ça. La palme revient au « pincez-moi je rêve », soit le gag le plus éculé de l'histoire ! L'humour est à l'image du reste, pas inspiré.
Pour l'anecdote, les intégrales sont encore une mine d'informations et nous permettent de regarder ces albums avec un œil averti : ainsi Cauvin raconte qu'il avait accepté de scénariser Spirou « pour faire plaisir ». Et ça explique sans doute bien des choses. Il n'y a aucune passion dans ce scénario, aucune envie de créer un univers novateur. Cauvin ne s'est pas senti investi sur Spirou, donc il a pondu un truc banal, et la refilé à Nic. A charge au dessinateur d'essayer de donner du piment à une intrigue qui n'en a pas. Le pauvre Nic, bien dépassé, ne pourra que dessiner des personnages à moumoute orange pour donner une identité à une histoire sans âme.
Bon, 1/5, et vraiment parce que j'aime bien la coupe de cheveux de Spirou, hein !