

Voilà pour le graphisme. Qu'en est-il du scénario? Et bien, comme d'autres histoires telles qu’Aux sources du Z, je trouve pour commencer que le titre, comme la couverture, sont très trompeurs, et ce n'est pas bon signe. Déjà, en voyant la couverture, on pourrait croire que le mannequin en robe de mariée sur scène, est la fiancée de Fantasio, alors qu'en fait non. Mais ça, ce n'est pas grand-chose comparé au titre. Il m’a fait penser que justement, Fantasio va être le personnage principal de ce récit, et qu'il y est question d’une étape très importante dans sa vie. Surtout que nous avions ici affaire à un personnage, bien qu'étant celui des deux le moins indifférent aux femmes, qui était célibataire endurci, et avait toujours privilégié sa carrière jusqu'ici (rappelez vous Vito la déveine). En lisant cela, on se dit : “Ca alors, c'est incroyable, comment est ce arrivé? Quelle est donc cette femme qui a pu lui faire renoncer à privilégier son métier?”

En ouvrant le bouquin, on se rend compte que toutes ces questions sont totalement secondaires, et que cette histoire est au contraire l'une de celles où Fantasio non seulement est le moins présent, bien que ce titre soit le seul avec son nom uniquement, mais le moins mis en valeur.


La raison vient de ce que d'après l'auteur, il voulait mettre en valeur et confronter ces personnages à un monde voulu féminin. Il y a l'univers du mannequinat, et de la mode, mais aussi le fait que tous les personnages inventés pour ce récit (hormis le grand-père de Spirou) sont effectivement des femmes, y compris les agents de sécurité ou de police. Il y en a beaucoup plus que d'habitude. On remarquera aussi que c'est moins hyper sexualisé que dans La Gorgone bleue, qui avait aussi cette volonté. Si ce n'est bien sûr dans la scène un peu limite, où on se retrouve au milieu de dizaines de mannequins en sous-vêtements…

Mais en adéquation avec cette démarche, Spirou fait équipe avec Seccotine plutôt que Fantasio, toujours pour mettre un élément féminin en avant. Pourquoi pas, pour une fois. Le problème c'est que l'étape censée être importante dans la vie de Fantasio n’est utilisée, en fait, que pour l'éloigner. Et puis, ce n'est pas comme si Seccotine était rencontrée par hasard, que Spirou lui parlait du vol auquel il a assisté, et qu’ils se disaient, tiens, si on enquêtait. Non, elle se présente directement, alors que le camion de déménagement de Fantasio est encore au coin de la rue. Et annonce tout de suite qu'elle veut être dans sa prochaine enquête, même si elle ne sait pas s’il y en a une.


J'ajouterai qu'il est étrange qu'on voie autant Seccotine en rose, parce que ça ne lui était jamais arrivé après ou avant. Toujours pour appuyer le côté girly, sûrement, mais là c'est peut-être un peu fort. Également très fort, Spirou qui est d'abord réticent à tout cela, en prétextant que son métier, ce n'est pas pour les femmes. Depuis quand est-il aussi bêtement macho? Ce genre de réflexion, c'était beaucoup plus le style de Fantasio.

J’ajouterais que ceux qui espéraient que la mise en avant de Seccotine serait synonyme de “rapprochement social” en sont pour leurs frais,

A propos de Fantasio: même si on le voulait, on ne peut pas s'attacher à sa sous-intrigue (“sous” étant le mot) parce qu’elle est très mal amenée. Il est évident qu'on n' était pas censés s'intéresser à lui et à Clothilde, mais là c'est flagrant. Je veux dire, ils me donnent l'impression d'un couple qui s'est formé très rapidement, trop rapidement même, du style ils décident de se marier au quatrième rendez-vous. Tout d'abord, parce que bien qu'il soit colocataire avec Fantasio, Spirou ne connaît pas Clothilde, il n'avait même pas entendu parler d'elle jusqu’ici. Fantasio semble très fusionnel avec elle au début, à cause de de leur habitude initiale de roucouler de manière très mièvre. Les noms affectueux ridicules, du reste, achevant de prouver qu’on n'est pas censés les trouver attendrissants. Pourtant, Fantasio et Clothilde ne semblent pas très bien se connaître, comme le prouve leur dispute à propos d'une recette de cuisine que de toute évidence, ils cherchent à faire ensemble pour la toute première fois. Ce genre de mésentente arrive lorsqu'on se connaît encore mal. En fait, j'ajouterai que les disputes après s’être mis en couple sont mauvais signe. A l'inverse de celles qui se déroulent avant, et qui en dehors du fait d'être distrayantes, peuvent être le signe d'une marque d'intérêt particulier pour l’interlocuteur (suivez mon regard concernant Fantasio avec Seccotine, dans certaines œuvres). On ne sera donc pas étonné de la séparation finale, car il fallait garder le statut quo de toute façon. Mais sur ce point, Fantasio c'est comme Spirou subitement marié à Miss Flanner à la fin de Aux sources du Z: ça ne lui ressemble pas beaucoup. Mieux vaut avec une inconnue qu’une psychopathe, mais je ne me sens pas émotionnellement investie dans cette histoire.


De plus tout ici est fait pour nous faire paraître Fantasio comme un idiot incompétent, ce qui est très injuste. Du style, il est tellement distrait par son dialogue au téléphone portable qu’il ne voit pas s'enfuir Sofia. Il texte sa fiancée qu'il a vue pourtant voici trente secondes. Quand les choses commencent à aller mal, Fantasio veut se confier à son meilleur ami, c'est normal. Mais se fait remballer par ce dernier par un « J’en ai marre d’être dérangé par un Casanova en crise de couple ! ».





