Numéro 4476 du 24/01/2024
Ici la présentation illustrée par jeepcook
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Alléchante couverture de
Libon avec des
Cavaliers de l’apocadispe explorant un manoir d’ambiance hantée, pour le début d’une histoire en deux parties. Les histoires des Cavaliers se passent pratiquement toutes dans le même cadre scolaire, à la différence d’autres séries enfantines qui présentent aussi les enfants en famille ou en vacances, mais dans cette contrainte
Libon introduit suffisamment de variété narrative, comme ici la séquence ultra découpée du passage de mots secrets, ou l’énième variation sur une tentative de sortie discrète de l’école, pour rendre cette série toujours hilarante. Il sait aussi avec juste quelques signes simples transmettre une sensation, celle de l’atmosphère de la classe avec le regard héberlué des enfants et le décadrage sur le discours du prof, ou du mystère (pour des enfants) du manoir avec ses marches vermoulues et ses caisses empilés dans la cave. L’interview de Libon porte d’ailleurs sur ces variations, sur le fait que l’histoire de cette semaine est une nouvelle version d’une autre déjà parue en mini récit en 2008; malheureusement, la réponse à la question qui témoigne du manque de réflexion de l’interviewer en se voulant humoristique, "Libon reprend-t-il ni vu ni connu une de ses vieilles idées?", ne parait pas dans le journal mais qu’en ligne pour les abonnés. Je vous la donne, elle est simple et peu intéressante, comme telle que posée: l’histoire a été redessinée pour la parution en album.
Bilan de mi-parcours pour l’épisode 5/10 de
Tokyo Mystery Café, d’
Atelier Sentô, pseudo de Cécile et Olivier, duo d’auteurs qui se partagent le travail, chacun faisant du scénario et du dessin. Ils disent être passionnés par le Japon, ce qui se retrouve dans quelques cases un peu didactiques (loin de la lourdeur de
Spirou à Tokyo toutefois), didactisme assumé par leur volonté de rendre par le dessin les plaisirs gustatifs japonais. Par contre, si leurs hiragana et katakana (écriture syllabaire japonaise) sont corrects, leurs kanji (caractères chinois utilisés dans l’écriture japonaise) sont, eux, assez embarassés (désolé pour la remarque pédante). L’histoire est une enquête fantastique moderne, où l’électronique tient lieu de magie, bien rendue par des influences mangas sur le dessin, soigneusement choisies plus que subies, tels qu’un tracé croquis délicat, nous rapprochant de
Kan Takahama, qui elle utilise cela pour une rendition de l’intime, et des échos bienvenus quoique très modérés s’en ressentent dans
Tokyo Mystery Café. Une profusion de détails dans les décors, quelques déformations comme vues par un objectif fish eye, et une colorisation quasi bichrome accentuent également l’aspect fantastique technologique. L’histoire apporte des révélations chaque semaine, nous verrons à la fin comment celles-ci seront résolues, l’intérêt venant surtout pour moi jusqu’ici du traitement graphique et de l’ambiance.
Idem pour l’épisode 7/13 de
SangDragon.
Bédu, après 27 ans passés sur
Les Psy, sur scénario de
Cauvin, refait du médiéval fantastique, dont l’annonce a enchanté les amateurs de sa série
Hugo. Toutefois, du temps a passé, l’époque n’est plus la même, et une héroïne a remplacé le jeune troubadour. L’histoire est parfaitement balisée, une quête pour sauver un royaume doublée d’une quête d’identité, petit peuple, dragons, personnages étiquetés bons/mauvais/ambigüs, et une jeune et jolie héroïne experte en combat et à fort caractère, mais
Spirou oblige, ce n’est pas
Red Sonja non plus. J’ai déjà parlé de la mise en page très libre par rapport aux
Psy, du travail de
Bédu sur la texture des décors et des dragons, je remarque aussi que le dessin des personnages est très géométrique, au sens propre, comme s’ils étaient un assemblage de figures placées dans un monde tangible, cela donne une sensation de mouvements figés sur l’instant, et un aspect abstrait qui apporte un regard neuf sur une histoire très classique.
Suite aussi de
Spirou et Fantasio, la Mémoire du Futur, sur deux pages seulement, ce qui frustrera les impatients mais ravira les nostalgiques de l’âge d’or de la presse franco-belge. Une très belle ambiance nocturne grâce à la colorisation d’
Alex Doucet, et confirmation que le Fantasio beauf du début de l’histoire servait aux auteurices à faire le procès d’une époque par l’Expo de 1958.
Avec
Trésor, cela fait 5 histoires (à suivre) dans ce numéro, mais aucune histoire complète.
Pour les gags, je commencerai par celui de la page 2, et l’exercice facile de faire une critique négative du
Gaston hebdomadaire. Cette semaine, on apprend que Prunelle est en fait un personnage cliché de chef de bureau sadique, comme en témoigne son sourire cruel lorsqu’il se prépare à insulter le dessinateur ami de Gaston. Sa personnalité était plus fine lorsque
Franquin l’animait.
Willy Woob est une série que j’aimerais plus aimer, avec le dessin de
Nicolas Moog, en rondeurs exacerbées et à l’encrage gras revendiqué, en caricature bienveillante du gros nez de
Marcinelle, et le fait que les personnages se savent être des personnages de BD mais jouent leur rôle pleins de bonne volonté, quoi qu’un peu moins pour Kiki, le chien qui tient le rôle de l’animal familier critique, dans la lignée de Milou ou Spip. Elle me déçoit un peu car souvent en deçà de ses promesses, mais les bandes (strips) de cette semaine, axées sur le fait que les personnages sont non seulement acteurs d’une BD mais présents dans un périodique, font honneur au principe de la série.
L’Antre Case, de
Derache et
Waltch, joue dans le même registre, mais plus directement dans la BD qui est son propre commentaire, est donc plus simple, plus constamment au second degré, alors que
Willy Woob oscille entre le premier et le second. Et dans le registre des gags à contrainte extrème, je suis toujours admiratif devant l’inventivité dont font preuve
Cromheecke et
Thiriet dans leur
Bulletin d’abonnement depuis 23 ans, et
Sti avec
Spoirou et Fantasperge en marge des pages illustrant
la Malédiction de la Page 13 depuis 2014, cette semaine avec Les Cavaliers de l’impôcadispe…
Émouvantes et amusantes retrouvailles entre Elliot et Eglantine dans un salon de bubble tea. Étonnant comment ces ados que l’on sait loin de rouler sur l’or peuvent accepter de payer pour cette boisson à la mode qui est une escroquerie financière…
Théo Grosjean et
Anna Maria Riccobono retranscrivent l’air du temps aussi par ce genre de petits détails.
Nob continue son arc narratif sur la petite enfance de Panda, suivant celui où les filles s’autonomisaient de force par l’absence de leur père.
La galerie des personnages de
Titan Inc., de
Paul Martin et
Manu Boisteau, s’étoffe encore avec cette semaine le personnage de Krash Fast, un ancien commando, qui, de même que la DRH ou le capitaine, ne semble pas non plus l’homme de la situation malgré sa stature.
Dans les rubriques, une plaisante double page de
Jeux de
Lerouge, très à l’aise sur le thème du tournage d’un film de zombies. La lauréate du concours
Libon, Anna Plantin, a réalisé une amusante histoire avec les autocollants des cavaliers de l’Apocadispe,
Les BD de la vie de
Ian Dairin, dessinateur de
Katz et co-dessinateur de
Kid Paddle sont, comme écrit dans le chapeau, presque toutes “liées à sa passion, le journal
Spirou”, des
Petits Hommes aux
Schtroumpfs, et
Jean Harambat, qui publie de bons albums aussi drôles qu’enlevées, d’aventure, d’histoire et de philosophie (une adaptation de
La République, de
Platon https://www.radiofrance.fr/francecultur ... bd-8572759), choisit dans
Spirou et moi de remettre en scène le duel
Tintin/Spirou à l’avantage de ce dernier, par l’imagination au service du réel.
Enfin, point de vue mise en page, avoir placé des pubs pleine page pour l’annonce de la sortie des albums en vis-à-vis des pages des séries concernées,
Tokyo Mystery Café et
Trésor, fait une forte impression graphique par le parti pris de colorisation tranché, bleu et jaune électriques pour le premier, bleu marin et fond boisé pour l'autre.