Numéro 4554 du 23/07/2025
Ici un aperçu du numéro:
https://www.spirou.com/les-schtroumpfs- ... ur-cinema/
Actualité oblige, la couverture de ce numéro montre un Schtroumpf emberlificoté dans une pellicule (pour les moins de vingt ans, il s’agit d’un long ruban de plastique souple sur lequel on faisait des films avant le numérique), pour annoncer un récit complet intitulé
Les Schtroumpfs font leur cinéma, et la vignette désormais rituelle annonce nous introduire
Dans les coulisses du nouveau film. Les plus observateur auront noté la grande différence de style entre le dessin de couverture, copyrighté
Studio Peyo, et la vignette extraite du film, choisie pour mettre la Schtroumpfette en relief. Le film, en salle depuis le 16 juillet nous dit-on, emmenera une fois de plus
les Schtroumpfs dans « le monde réel ». Ou plutôt, des Schtroumpfs,
Hollywood, malgré sa puissance, n’ayant pas les moyens d’envoyer les cent Schtroumpfs à Paris ou en Australie… Trop de personnages donc, ou plutôt des personnages ne convenant pas au film, puisque si la majorité des Schtroumpfs sont exclus de l’histoire, de nouveaux personnages apparaissent, dont un frère du Grand Schtroumpf et un frère de Gargamel. La scénariste
Pam Brady explique que son équipe a voulu « révéler l’origine de la fixation de Gargamel sur les Schtroumpfs (en inventant un secret de famille, alors que cela est déjà expliqué dans l’histoire
Le voleur de Schtroumpfs, dans le premier album,
Les schtroumpfs noirs…), et a cherché à répondre à une question, « Qu’est-ce qu’un Schtroumpf ? » Comme pour les super-héros, ils vont donc chercher une origine aussi improbable que tarabiscotée à des personnages imaginaires. On se demande bien pourquoi ce pays d’immigrants est à ce point obsédé par les origines... Bien sûr, le film veut délivrer un message positif en faveur de l’égalité des sexes et de l’émancipation, ce qui est louable, mais en ce cas et tant qu’à faire, pourquoi les auteurices n’ont-iels pas adjoint une sœur plutôt qu’un frère au Grand Schtroumpf ? Le seul point fort de ce dossier est l’entretien avec
Philippe Katerine, qui fait la voix du Schtroumpf coquet, et dont pratiquement chaque phrase a de l’intérêt : il dit avoir toujours eu un peu peur des Schtroumpfs, n’aurait pas aimé être leur prisonnier (quelle idée aussi étrange que fascinante...), répond à la question bateau lui demandant si son rêve n’aurait pas été d’incarner Gargamel que, comme tous les Schtroumpfs, il déteste Gargamel, qui n’a aucun humour, et dit enfin trouver « la Schtroumpfette très touchante dans sa solitude », ce qui est un point de vue qui ouvre bien plus de perspectives qu’une énième remarque sur « une femme dans un univers exclusivement masculin », comme dit la scénariste.
Katerine déçoit rarement depuis ses premières œuvres sur une K7 compil nantaise il y a 35 ans (pour les moins de vingt ans, une K7 était au son ce qu’une pellicule était au cinéma, un support matériel pour enregistrer et retransmettre).
Outre le dossier sur le film,
les Schtroumpfs parsèment tous les interstices ce numéro de leur présence, dans une histoire courte, un gag en une page, un strip, une double page de jeu et un jeu concours dans les marges, consistant en des dessins isolés de Schtroumpfs tournant un film, les bulles sont restées vides, à charge aux participant de les remplir. Avec le concours de post-it de
The Fabrice à rechercher, cela fait deux jeux concours estivaux qui occupent les espaces plus ou moins libres du magazine : c’est l’été, les rédacteurices et maquettistes du journal ont bien raison de se détendre. Tous ces Schtroumpfs sont indiqués être faits par le
Studio Peyo, sans précision (alors que dans les albums qui sortent au
Lombard, les noms de tous les auteurices sont indiqués). Ceci dit, à la lecture de l’histoire courte en huit pages, je peux comprendre qu’aucun auteur n’ait eu envie de voir son nom y être rattaché : si l’idée de voir les Schtroumpfs réinventer le cinématographe n’est en soi pas mauvaise, et les dessins sur les rouleaux servant aux premières démonstrations ainsi que le processus de l’invention plutôt bien faits, les auteurs ont gâché la suite en expédiant le passage avec Gargamel et en manquant totalement de rigueur dans leur mise en images (un champ-contrechamp dans le film alors qu’il n’y a qu’une caméra, la caméra à manivelle devenant soudain une caméra électrique, Gargamel qui n’essaie pas de rattraper les Schtroumpfs se sauvant sous son nez, se contentant de leur intimer un « Petits voyoux ! Revenez ici tout de suite ! », et une fin ridicule). Si le strip est une rediffusion non dite (le copyright est de 2001), le
Jeu est bien fait, consistant à remettre dans l’ordre des images (inspirées de l'histoire
Le Schtroumpf pas comme les autres) sur une pellicule (voir ce mot) pour reconstituer un film en éliminant du montage les images en trop. Par contre, un autre jeu concours, dont le règlement n’est visible qu’en schtroumpfant un schtroumpf QR, a pris la place du dessin de
Cromheecke et
Thiriet accompagnant d'habitude le bulletin d’abonnement. Par contre, à la suite de
Fabrice et Fabrice,
Damien et Damien et
Guillaume et Guillaume, c’était la bonne idée que de faire présenter
L’édito de cette semaine par
Schtroumpf et Schtroumpf, en l’occurence le Schtroumpf à lunettes et le Schtroumpf grognon, une page amusante faite par un ancien du
Studio Peyo dont le nom est lui indiqué,
Ludo Borecki (couleurs de
Sylvaine Scomazzon).
Les Schtroumpfs sont également nommés dans
Manoir à louer, rappelant leurs origines médiévales, et il est possible que ce ne soit pas une coïncidence, les planches de cette série étant publiées dans le désordre (ce qui n’en facilite pas la compréhension), celle-ci a pu être spécifiquement choisie pour de numéro. Ils le sont également dans
Spirou et moi, où
Julia Reynaud, récipendaire du
prix Raymond Leblanc de la jeune création, en parle et dessine avec
Johan et Pirlouit (elle dit Jo-ane, comme beaucoup, mais de plus, avec sa coupe de cheveux et son costume médiévaux, elle croyait qu’il était une fille), se représente dans le mythique antre de livres de
Gaston, et fait remarquer que si les jeunes enfants, suivant leurs parents, lisent du FB, après dix ans ils passent aux mangas, qu’elle dit plus introspectifs. Et effectivement, les mangas se sont infiltrés dans la béance de la BD FB, qui propose des BD pour enfants et pour adultes, mais très peu avec des thèmes pour ados, au contraire des mangas.
Ainsi de
Dad, exemple parfait d’une BD tout public, autrement dit pour les enfants et pour les adultes, mais pas pour les ados, malgré la présence de Panda et Ondine, car une des dernières choses que désirent les ados est d' être confrontés en permanence avec leurs parents, ce que fait cette série. Dans le bon gag de cette semaine,
Nob montre d’ailleurs encore une fois graphiquement les multiples personnalités de Dad, pas celles de ses filles.
Enfin, et encore dans les marges,
Spoirou et Fantasperge font référence à l’anecdote devenue légendaire selon laquelle en 1957,
Peyo, en vacances, déjeunant avec
Franquin, lui aurait demandé « passe-moi le...le schtroumpf, là ! », le mot sel lui ayant échappé sur le moment, et de là viendrait le nom des Schtroumpfs. C’est un peu court, comme de prétendre que se faire mordre par une araignée radio-active donnerait proportionellement une force d’araignée. Et se faire piquer par une guêpe radio-active donnerait une taille de guêpe ? Les apprenties manequins devraient essayer...C’est donc un peu court, comme explication, et ne dit rien en fait sur l’origine du nom, car quoi, pourquoi
Peyo a-t-il dit
Schtroumpf et pas, je sais pas,
Boumptérix, Elaoin Sdrétu, Calendula ou
Benoit Brisefer ? Faudrait-il pour le savoir faire appel à la psychanalyse, ou être un lecteur attentif pourrait fournir une piste ?
Peyo lisait occasionnellement le journal de
Tintin, dans lequel
Franquin, avec qui il déjeunait donc ce fameux jour, dessinait depuis 1955
Modeste et Pompon, série pour laquelle
Peyo avait justement fourni à son ami quelques scénarios. Or, dans le
Tintin numéro 35 du 28 août 1957 (période de vacances, donc), est parue, au dos d’un gag de
Modeste et Pompon, une historiette d’auteurs encore peu connus,
Uderzo et
Goscinny, ce dernier ayant lui aussi écrit des gags de
Modeste et Pompon pour
Franquin, dans laquelle on voit un bébé se goinfrant de bonbons au son des onomatopées « Glop gloup schcroumpf »...De là à imaginer que
Peyo, ayant possiblement lu cette BD les jours précédant ce fameux repas, c’est cette onomatopée originale qui lui soit revenue approximativement à l’esprit, il n’y a qu’un petit pas qu’avec prudence chacun est libre de faire ou pas...
https://bellier.co/Tintin%20belges/tint ... e22-23.htm
Suite de
L’oreille de Lincoln, qui confirme ma remarque sur le chapitre précédent, l’attirance de Blutch pour la belle sudiste est indiquée par une case où il chevauche en pensant tendrement à elle (jolie case bucolique, comme
Lambil les réussit, avec des animaux à l’avant plan), mais c’est peu crédible au vu de la réaction pour le moins génée de Blutch face à la détermination de la jeune femme à faire assassiner Lincoln dans la séquence dialoguée des pages précédentes où le complot est exposé.
Les Fabrice poursuivent leur tournée, et leur impéritie les amène cette fois au festival de théatre d’Avignon, où ils se voient réduits à devoir disputer une place pour jouer sur le trottoir. L’impréparation des
Fabrice personnages contraste avec le sens du détail de leurs auteurices, car on voit dans les décors qu’ils passent du centre médiéval d’Avignon à la ville moderne pour échouer dans la banlieue industrialo-commerciale. Suit le deuxième numéro de
Fanbrice, le journal des fans des
Fabrice, toujours rédigé par
Jorge Bernstein et illustré par
Evemarie, Ben Lamarre, et cette semaine
Erwann Surcouf, qui a représenté ses idoles en punks. On arrive au milieu de l’histoire de
Pym (quatrième chapitre sur sept), avec un changement de décor et de couleurs et un découpage rapide pour une course poursuite dans la forêt, suivie d’une longue scène dialoguée avec un noble venu à la fois de la ville et de l’histoire racontée par mamie Rose dans le chapitre précédent, les mondes (ville et forêt, passé et présent) se rencontrent, ce milieu de l’histoire en est aussi un tournant, on y voit d’ailleurs pour la première fois ces hurleurs qui donnent leur nom à cet épisode, La nuit des hurleurs.
Fuat Ercol et
Clémentine Bouvier maitrisent bien leur narration. Cinquième chapitre du
Démon de la mer morte, ce deuxième épisode de
Tanis dont j’ose à peine écrire le nom puisqu’elle n’apparait pas une fois dans ce chapitre bichrome en bleu nuit et rouge feu, où le chef des colossaux Aryanas propose à la guérisseuse Ashera, leader de fait du peuple réduit en esclavage, de collaborer pour s’évader dans une longue séquence dialoguée, dont la comparaison avec celles des autres séries (à suivre) de ce numéro peut être fertile.
Stéphane Perger reste toujours en gros plan sur les deux personnages, pour donner du mouvement à la séquence uniquement en exprimant leurs gestes et mimiques, avec force champs-contrechamps.
Lambil utilise tous les moyens traditionnels, varie les plans, large ou resserré selon les personnages s’exprimant, varie les cadrages, horizontaux ou en plongée, et fait des hors-champs, sur la rue ou sur des animaux. Quant à
Clémentine Bouvier, elle varie peu les angles de vue (pas de champ-contre champ, une seule plongée et un hors champ, lorsque la conversation se termine) mais joue sur le zoom et la profondeur de champ. Trois générations, trois styles.
Dans le reste du numéro, une autre histoire courte, de
Nicoby et
Laurence Croix, où les détectives
Marc et Pep participent à une course en province durant laquelle un participant meurt, et où Marc dit à Pep qu’il a beau avoir un grand nez, il est « quand même une tête de nœud » (je ne suis donc pas le seul à l’avoir remarqué),
Willy Woob en vacances, avec ses charmants jeux de mots à la fois verbaux et graphiques, le navire de
Titan inc. toujours perché sur l’iceberg, le capitaine toujours aussi incapable d’en évacuer les passagers, d’amusants gags de
Lécroart, Berth et
Dino dans
La pause cartoon (le quatrième gag étant le strip des
Schtroumpfs), une planche de la nouvelle série
L'épée de bois où des élèves de l’école du dragon sont présentés, et enfin un gag de
Game over scénarisé par
Patelin, dessiné par
Adam et colorié par
Angèle et l’annonce dans
En direct du futur d’une nouvelle série de gags,
Working dead, où un humain arrive travailler dans une start-up dont les employés sont des zombies.
" Monólogo significa el mono que habla solo." Ramón Gómez de la Serna dans ses Greguerías.