Franco B Helge a écrit :
Modestement, je vais donner mon avis de ma profession, après avoir lu ces jours-ci ce dont on parle.
Pour les dessinateurs, une fichier d'images n'est rien d'autre qu'une fichier d'images : un dossier avec des archives visuelles où aller quand on a besoin de dessiner quelque chose qu'on n'a pas sous la main... ou quand on veut imiter le style d'un autre auteur. Je le fais habituellement à chaque fois que je fais un Dérapage, et pour les raisons qu'explique Despera, qui sont - pour résumer - les éléments vestimentaires, les objets et bâtiments, les coutumes d'époque, etc.
Dans le cas des Dérapages, j'ai essayé de recréer le style du dessin et l'esprit des dialogues car cela faisait partie du "jeu" de lecture ...
Quel sens cela aurait-il si je voulais "jouer" avec les sujets de la saga Zorglub - démarrage des vignettes originales - s'il ne les répétait pas en détail ?...
Ne pas réaliser cette imitation aurait un déficit dans l'effet qu'elle cherche à réaliser ...
Dans le cas de la continuité de Gaston, respectant son style et - pour ce faire - s'armant d'un gros dossier d'images, je ne vois pas qu'il y ait plagiat. Il y a imitation de style pour arriver au même résultat, qui est Gaston, et seulement Gaston. Rien d'autre ...
[ Delaf ne crée pas un nouveau personnage qu'il considère comme le résultat de son originalité, mais plutôt - à la demande d'une maison d'édition qui l'a chargé d'assumer la continuité d'une ancienne série parue dans la même maison d'édition - il recrée le personnage déjà existant, en essayant de le faire avec la plus grande fidélité ...
Ce n'est pas du plagiat.
Le plagiat serait pour lui de développer graphiquement et avec humour - et à travers des gags - un garçon inventif mais maladroit, le mettre au travail avec du courrier en retard dans un bureau -ou une rédaction de magazine-, lui faire commettre mille catastrophes dans son environnement de travail, faites-lui inventer des instruments de musique bizarres, et avoir un mammifère à fourrure et un oiseau de mer comme animal de compagnie, etc..., et l'appeler par n'importe quel nom et le présenter À UNE AUTRE MAISON D'ÉDITION comme quelque chose qu'il a créé, et se cacher où il a obtenu l'original idée créée par un autre...
Ce serait du plagiat.
Je suis d'accord, ce n'est pas du plagiat, car dans le plagiat comme tu dis on cache qu'on a copié. Ce que fait Delaf est de la contrefaçon, comme quand en Chine ils font de faux sacs Chanel, parfois de bonne qualité, de très bonnes imitations, parfois de mauvaises, qu'ils n'essaient pas faire passer pour de vrais, mais dans tous les cas, c'est illégal.
Les dessinateurs ne travaillent que partiellement d'imagination, ils ont presque toujours des modèles. On sait tous ici que Franquin avait de nombreux catalogues et magazines dont ils s'inspirait ou copiait même des modèles précis de meubles, mais toujours avec son style.
Certains aussi reprennent et retravaillent des images précises, par exemple la couverture de Chihuahua Pearl de Giraud est une publicité redessinée.
Mais ce que fait Delaf est autre chose, j'aurais dû mettre la citation de son interview complète.
DESPERA a écrit :Oui donc il n'a jamais assumé décalquer. C'est toi qui en déduit ça en pensant qu'il va dans ses fichiers pour puiser le bon dessin à "voler".
Je ne dis pas que j'ai raison, mais peut être que, comme je l'ai dit précédemment, il va puiser une information de type "comment était habillé le personnage à cette époque" ou "comment est la rue où il vit" etc...
Voici donc la suite de la citation: "j'ai constitué une base de données. J'ai découpé patiemment toutes les planches originales de Franquin, et j'en suis arrivé à 10000 petits fichiers que j'ai tagués pour y retrouver facilement les références à des objets, personnages, décors ou attitudes.[...]Pour une planche, je peux avoir jusqu'à 300 références sur l'écran latéral de mon ordinateur. "
Il a donc numérisé les planches de Franquin et réparti les dessins dans 10000 fichiers avec des tags pour s'y retrouver. Qui peut croire qu'il aurait besoin de 10000 fichiers d'où il pourrait tirer jusqu'à 300 références pour une seule page si c'était seulement pour ne pas faire d'erreur sur des vêtements ou des ambiances?
Il y a un gag de L'Atelier Mastodonte par Nob, paru dans le Spirou 4004 du 7 janvier 2015, dans lequel Trondheim dit à Nob: "Je m'en doutais, tu fais du copier-coller de cases! Comme toutes les feignasses qui bossent à l'ordinateur!" "Beuh, c'est vraiment très rare! Et surtout quand j'ai des décors compliqués!"
C'est cela que fait Delaf, comme Blanche Dumoulin le faisait avec Robvel, comme l'a révélé arsen33, mais avec des moyens modernes. En lisant le gag de Gaston par Delaf, numéroté 1, du dernier Spirou, j'avais déjà vu chaque détail quelque part, de Lebrac appuyé sur un bureau à un saucisson ou des bulles d'acide rongeant le plancher. Delaf a une banque de donnée dans laquelle il puise ici un bras, là une bouche, ici une chaise, les copie-colle, fait un encrage à la Cintiq pour homogénéiser, pour créer une monstrueuse planche de Frankenstein.
Ceci dit, parmi les synonymes de plagiat, il y a piraterie et pillage, et en effet, Delaf est un pirate qui pille les dessins de Franquin.
Franco B Helge a écrit :
Et je ne pense pas que ni le dessinateur ni la maison d'édition ne veuillent lancer une continuité d'une série et d'un personnage - surtout si l'intention est de produire quelque chose de déjà fait pour la même maison d'édition - pour obtenir un problème de plagiat.
Cela n'aurait aucun sens de générer -pour eux-mêmes- un tel problème...
À cause de quoi...?
Ils sont tellement sûrs d'eux qu'ils n'ont pas imaginé que cela poserait problème. Ou plutôt, ils l'ont bien vu, sinon, alors que cette décision a été prise il y a cinq ans, pourquoi n'ont-il prévenu l'ayant droit qu'il y a quatre mois? Voulaient-ils lui faire baisser les bras en la mettant devant le fait accompli?
" Monólogo significa el mono que habla solo." Ramón Gómez de la Serna dans ses Greguerías.